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jeudi 14 avril 2011

Cynic


On peut gagner le statut de groupe culte avec seulement deux albums, éloignés de quinze ans l'un de l'autre.  Savant mélange de talent véritable, d'une petite réputation préalable et (sans doute dans une certaine mesure) de chance, la renommée de Cynic est à la fois singulière et largement méritée.

En 1987, deux anciens collaborateurs de Chuck Schuldiner au sein de Death forment ce groupe de death progressif, qui après une première démo voit son chanteur partir (le guitariste Paul Masvidal, ex-Death, prenant le relais et endossant ainsi une double responsabilité) et invite un deuxième guitariste. Trois démos sortent ensuite sur les trois années suivantes, la dernière chez le label Roadrunner Records.

Pour donner une petite idée : Robb Flynn (Machine Head), Matt Heafy (Trivium), Joey Jordison (Slipknot), Dino Cazares (Fear Factory, entre autres). Rajoutez Dream Theater, Porcupine Tree, Satyricon, Lamb of God, et une centaine d'autres (passés et actuels).

En 1993, après quelques soucis supplémentaires, Cynic sort son premier album, "Focus". Bien que clairement marqué par son époque, cet album est une petite merveille de créativité et d'affranchissement des "normes" de l'époque. Dès le début de l'album, "Veil of Maya" ose teinter son death-metal de passages jazz, d'une voix féminine, de passages vocodés, de rock progressif, qui apportent un enrichissement considérable à un death technique et mélodique grandement inspiré par Death (forcément). Tandis que cette tendance générale se retrouve sur d'autres chansons, comme "Uroboric Forms", d'autres passages font vraiment penser à du rock progressif, teinté de jazz très seventies (notamment la très classe "Sentiment"). Un album génial, malgré les quelques rides qu'il a pris ces dix-huit dernières années... Et pour la déconne, on constatera qu'un des titres de l'album, et un des meilleurs, se nomme "Textures". (Une quinzaine d'années plus tard, une collaboration partielle Cynic/Textures a donné naissance au projet de metal fusion Exivious.)

"How Could I", un grand moment de metal progressif, malgré une intro "Guitar Pro avant Guitar Pro" qui a, pour le compte, relativement mal vieilli.

A la fin de l'année suivante, Cynic splitte pour cause de "divergences musicales", et ses membres se baladent de formation en formation, laissant le groupe derrière eux. Différents groupes de rock ou metal progressif (Gordian Knot, Aghora, Aeon Spoke, et le très vite avorté Portal) bénéficient du savoir-faire des ex-Cynic, et "Focus" reste un album presque instantanément culte, laissant les fans heureux d'avoir cette pépite dans leur discothèque et éplorés par la simple idée de ce qu'un deuxième album aurait pu donner. Autant dire que l'annonce en 2006, douze longues années après, de la reformation de Cynic, semble presque tomber du ciel. Royalement accueillis à la fois par leur fanbase et par les nouveaux amateurs, le groupe recomposé décide de s'atteler à un deuxième album, qui sortira en 2008 sous le nom "Traced in Air". Et, comment dire ?..

En gros, c'est l'idée. En noir : "Traced in Air". En blanc : l'auditeur. Non représenté : le sourire béat de l'auditeur.

"Traced in Air" est un album extraordinaire, dans lequel le Cynic nouveau parvient à fusionner, avec un talent et un savoir-faire immenses, la foule d'inspirations qu'on ressentait déjà dans "Focus", à les moderniser, et à en faire un tout plus cohérent encore, donnant une nouvelle définition au terme "metal progressif". Les grunts sont moins présents, au profit d'un chant parfois clair, parfois vocodé ; les ruptures nettes, les sauts du death au jazz et vice-versa sont moins abrupts, ce qui donne à l'opus une finesse incroyable et une cohérence remarquable. Je ne sais même pas comment le décrire plus avant sans tomber dans le piège d'un simple éloge abusivement dithyrambique... Disons que Cynic parvient à vous faire décoller du sol pour vous emmener dans un voyage métaphysique, dans lequel le côté progressif et jazzy, au lieu de nous faire crouler sous une technicité exagérée, n'est là que pour appuyer le psychédélisme sonore.

"The Space for This". I just bend the sky and realize.

Et si je parle de métaphysique et de psychédélisme, ce n'est pas gratuit : lisez donc les paroles... ou bien les opinions de Paul Masvidal lui-même. Cynic parle de notre place dans l'univers, de la révélation mystique, de l'Unité et de la Vacuité, des voyages astraux, et j'en passe. Le plus incroyable, c'est que "Traced in Air" communique exactement ce ressenti. Pas la peine de comprendre un traître mot en anglais pour savoir, pour ressentir, ce dont il y est question. Zeuhl, my friends, zeuhl.

"Integral Birth", peut-être le refrain le plus marquant de l'album. A million dooooooves !

L'EP "Re-traced", sorti en 2010, présente d'intéressantes réinterprétations de quatre chansons de "Traced in Air", dans des versions plus intimistes, un peu de lo-fi par ci, quelques guitares sèches par là, et une inédite "Wheels Within Wheels" qui, un peu moins envolée que les autres chansons composées au même moment, n'aurait pas tout à fait eu sa place dans l'album, ou bien en aurait brisé l'étrange cohésion. Quelque part entre l'objet de fan et l'amuse-gueule, cet EP ne nous fait pas oublier "Traced in Air", voire même nous rend encore plus impatient de pouvoir, un jour peut-être, et si possible dans moins de quinze ans, jeter une oreille et une âme sur un troisième Cynic.

"Evolutionary", version "intime" de la superbe "Evolutionary Sleeper". Cette version a clairement son charme...



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