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jeudi 28 juillet 2011

Live review : Dour Festival, jour 3 (aka "Tenir la distance")


Cinq heures du matin : ma voisine de tente Marion me réveille en rentrant. Assailli par un mal de ventre extrême, largement imputable à la quantité trop importante de bière et de frites ingurgitées ces quarante-huit dernières heures, je sors prendre un peu l'air -- jusqu'à huit heures et demie du matin, je resterai discuter avec les voisins de camping, à fond de MDMA et de speed, et l'absurdité de nos conversations compensera, par l'hilarité intenable qu'elle me provoque, la déception que je ressens à l'idée qu'il se pourrait que je ne sois pas assez en forme pour voir tous les concerts du samedi.

Voir le soleil se lever sur un camping de junkies... Quel pied.

D'un autre côté, ce samedi est clairement pour moi une journée de détente, dans laquelle les bons concerts se font au final relativement rares. La pluie torrentielle qui s'abattra sur Dour tout au long de cette journée n'arrangera pas les choses... A onze heures, alors que je dormais paisiblement dehors, le froid me réveille et me motive à finir ma nuit à l'abri sous la guitoune. Quelques minutes après ledit réveil, il commence à dracher sévèrement, et cela ne s'arrêtera pas de la journée ni de la soirée, transformant le site du festival en une gigantesque flaque de boue (sort funeste auquel le camping échappera heureusement en partie).

Et on y trouvera quand même un semblant d'avantage esthétique. (Photo officielle du Dour.)

Ma nuit se prolonge un peu, et je ne suis apparemment pas le seul à être "un peu" fatigué. Nous ratons les Uncommonmenfrommars, dommage, ça nous aurait fait rire un peu, et arrivons sur le site du festival vers seize heures trente, à l'heure pour Les Ogres de Barback, de la chanson française pseudo-festive vite chiante, malgré des instrus pas dégueulasses. Et en plus, ils sont sur la Last Arena, et il pleut, une motivation supplémentaire pour nous faire nous mettre à l'abri de la Petite Maison Dans La Prairie pour jeter un œil à Yussuf Jerusalem qui, comme son nom ne l'indique pas, n'est pas un chanteur yiddish mais un groupe de rock/punk/metal un peu hésitant. Le cul entre ces deux chaises, le groupe parvient néanmoins à nous délivrer une mixture musicale plutôt intéressante, mais totalement ruinée par la voix du chanteur, inesthétique et, surtout, audiblement fausse. Les trois kilomètres de réverb' sur le micro chant ne sauvent pas les apparences ; nous fuyons cette bouillie vocale pour nous trouver une bonne place sous la Cannibal Stage.

Quand on compare ce que le groupe semble capable de faire avec ce qu'il a fait au Dour, on se sent quelque peu amer.

C'est en effet Death By Stereo qui s'apprête à faire bouger le chapiteau des cannibales, et bien que je me foute un peu de ce groupe, Marion a l'air intéressée : je décide de lui faire confiance et la suis. Première impression : les parties de chant parviennent à être quelque peu lassantes, et le groupe semble surjouer quelque peu (surtout le guitariste chauve et sa superbe moustache : et vas-y que ça saute en écartant les jambes toutes les cinq secondes, on aurait dû lui installer un trampoline).


Deuxième impression : ouais, mais bon, leur petit hardcore qui racle passe quand même franchement bien, ça donne envie de headbanger comme un con, c'est le principal, non ? On ne révolutionne pas la musique, mais c'est marrant ! Troisième impression : pfffff. Les chants "whoooooh oooooh ooooh" piqués à Manowar et les deux soli de guitare par chanson, ça va cinq minutes. Vite, une bière.


On se déplace vers la Magic Soundsystem, le chapiteau le plus isolé de tout le site, pour découvrir ce que peut bien être ce trio au nom rigolo, Grems & Entek & Son Of Kick. Avec des noms comme ça, je m'attendais presque à une collaboration hardtek. Perdu : Grems et Entek nous envoient du bon rap bien débile (dans le bon sens du terme), et les kicks quelque part entre abstract hip-hop et dubstep dancefloor de Son Of Kick viennent étoffer le tout.


On regrettera éventuellement un certain manque de cohérence dans le show, et quelques petits larsens mal placés. Ceci étant dit, la cohérence n'est pas forcément le but premier des trois défroqués, qui sont là pour s'amuser, et nous faire rire un peu avec eux. A peine arrivés, ils nous lancent un gros "Ca sent la chatte !" qui donne la couleur, puis nous montrent de quoi ils sont capables : instrus excellentes, superbes démonstrations de human beatbox d'Entek (qui nous fait même le "If your mother only knew" de Rahzel... en reverse, incroyable mais vrai), et Grems a un flow totalement impressionnant mis au service de paroles plus ou moins sérieuses.


Il y a certains lyrics qu'il faut oser, d'autant plus sur de la dubstep ou de la house ("Y en a qui nous traitent de pédés parce qu'on rappe sur ces instrus"), et la prestation du trio en est d'autant plus honnête et saisissante. Une très agréable découverte -- et un album de Grems qui est déjà sur mon ordi, je l'ai acheté sur iTunes pour tout vous dire. Si la bonne impression se confirme, vous en entendrez parler sous peu.


Après ce grand moment de hip-hop/électro pas prise de tête et super-agréable (durant lequel on aura même vu votre serviteur bondir sur du rap, comme quoi tout devient possible au Dour), on retourne à la Cannibal pour continuer notre journée thématique hardcore, car les "gros bonnets" du style sont là aujourd'hui. Ce sont les Gardiens de la Foi qui prennent la suite, j'ai nommé Terror, du gros hardcore sans concession, avec un son impeccable, une énergie prenante, une ambiance délirante et familiale comme on aime, et des coups d'épaule dans la joie et la bonne humeur. Que des belles filles partout, car les mosh parts ("elle est bien bonne, celle-là !"), et tout un tas de grands gosses à piercings et en treillis qui font la java sur du gros son burné. "It's the rain of Terror when the crew comes together."


Histoire d'entretenir notre schizophrénie, on attend Agnostic Front en allant voir The Herbaliser, de la part de qui je me serais attendu "d'instinct" à de la grosse dub mal dégrossie. Perdu : c'est une agréable rencontre de dub, smooth jazz et trip-hop que le groupe nous livre, soutenue par la présence de deux cuivres et une flûte traversière. Je me surprends à me laisser emporter par une heure de musique jazzy, groovy et prenante quasi-interrompue ; mes yeux se ferment, et je plane tranquillement sur des sonorités qui devraient être reconnues comme une médication anxiolytique, au même titre que le cannabis et A Backward Glance On A Travel Road.

"Goldrush", jazzy et envoûtant.

Reposé, le muscle un peu mollasson, je retourne de nouveau sur la Cannibal, pour le dernier concert hardcore avant la lassitude : Agnostic Front paraît vieillot à côté de groupes comme Terror ou Gallows, mais je décide, avec un certain opportunisme (il pleut comme vache qui pisse, je vous rappelle, et ça ne cessera pas de la soirée), de rester devant le show. Grand bien m'en prend : l'ambiance de ce concert est sans doute la meilleure ambiance hardcore de tout le festival, meilleure encore que lors des concerts des deux groupes cités quelques lignes plus haut. C'est qu'ils ont la pêche, les vieux : ils nous en envoient plein la gueule, et leur proximité extrême avec le public est belle à voir. Il y aura même une grosse cinquantaine de personnes sur scène lors d'une des dernières chansons, et pour le compte, j'aurais voulu en être. Ca m'apprendra à me caler si loin de la scène...

A vingt-deux heures trente, j'ai déjà le souffle et les jambes coupés, mais je décide de tenir bon pour ma tête d'affiche de la soirée. Un DJ noir qui fait de la musique bizarre... J'y viens. En attendant, la pluie incessante et le manque cruel d'espace sous la Balzaal me dissuadent d'aller voir 16bit, alors je jette un œil à Les Savy Fav, qui jouent dans le chapiteau voisin. Grand bien m'en prend : derrière un gros chauve barbu qui passe son temps à sortir des blagues (de cul, entre autres), le groupe joue un rock pêchu qui s'avère super-efficace.


Visiblement, le show n'a pas été préparé avec le plus grand professionnalisme ("Do we have time for two or three more songs ?" demande le chanteur, un peu hagard, à un des roadies, dix minutes avant la fin prévue du show), mais cela n'empêche pas le combo de jouer proprement et avec une énergie sincère.


A la sortie du concert, je recroise un visage qui m'est familier. J'approche, lance un "Jeff ?" un peu hésitant, et il se retourne. Bah oui, c'est bien lui : Jeff, alias Clotaire Premier, est venu au Dour, accompagné de la moitié de l'équipe de la Mangouste (qui avait notamment organisé l'excellente soirée Casse Ton Singe !). On tape la discute, j'apprends qu'une nouvelle nuit de folie risque de s'organiser en novembre, que le titre "Leçon de Choses" va avoir droit à une version longue, et j'en passe... Mais tout cela me met en retard pour le seul concert qui m'intéressait vraiment de la soirée.

En effet, le temps d'arriver au Magic Soundsystem (pourquoi l'ont-ils mise aussi loin, ces enculés ?!), le set de Flying Lotus a déjà commencé, et le DJ au style incertain, quelque part entre abstract hip-hop et IDM, est accompagné d'un batteur jazz aux skills totalement incroyables, qui rajoute encore une teinte supplémentaire à la musique déjà très riche du producer californien.

Dommage : ledit batteur s'était carapaté avant que ne soit prise la vidéo de meilleure qualité de ce concert.

Le set rythmé (une ou deux chansons de l'album "Cosmogramma" se voient grandement accélérées), quelque part entre hip-hop et jazz, varié, aérien, nous réserve quelques surprises, comme cette reprise ralentie de "Stunt" de Mr Oizo, que Flying Lotus interprète sur la fin du show, tandis que son batteur a déjà pris congé, et se termine en beauté avec un "Do The Astral Plane" toujours aussi hallucinogène. J'imagine que ce set devait être encore meilleur sous LSD, mais même sans en prendre, j'ai pris mon pied comme vous auriez du mal à l'imaginer. Que ce soit sur le plan technique ou au niveau des ambiances qu'il parvient à distiller comme un alchimiste fou, Flying Lotus est définitivement un grand monsieur de la musique.

Dieu, c'est toi ? (Photo obtenue via le site officiel du Dour.)

Merde au concours d'air guitar (à moins qu'il ne s'agisse que de ses résultats ?) ; merde à Cut Chemist, à Doctor P, à Reso, à Surfing Leons. Il est une heure du matin, je suis épuisé, et je suis sur orbite. Il me faudra une bonne nuit pour en redescendre. Marion m'accompagne jusqu'au camping, totalement anéantie elle aussi, et la grosse demi-heure passée à patauger dans l'épaisse couche de boue, priant à chaque pas pour ne pas tomber misérablement, est presque jouissive avec du Flying Lotus plein la tête.



Jour 1 : Bienvenue Ailleurs
Jour 2 : Paradis
Jour 4 : Apothéose
Jour N+1 : Ending Credits




Toutes les photos de cet article ont été prises par Marion, sauf mention contraire.
Retrouvez une impressionnante collection de photos du Dour sur leur Flickr officiel.

1 commentaire:

franckylourson a dit…

Merci !
Excelentes chroniques du "Dour Festival".

a+

Franckylourson.

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