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mardi 30 août 2011

Live review : Festival des Arts Bourrins, jour 2


Une nuit trop courte, un hangover cruel : la journée ne s'annonce pas particulièrement tendre avec moi. La bonne nouvelle, c'est cet enchaînement Klone-Gorod que j'attends avec la plus grande impatience (une autre bonne nouvelle viendra plus tard, en courant de soirée… rendez-vous après-demain pour en savoir plus) ; la mauvaise, c'est que mon estomac fragilisé a décidé de m'interdire l'ingestion d'alcool, et dans une journée lors de laquelle est prévue par l'orga du festival une "pause bières" de deux heures, c'est quand même un sévère bad beat. Inutile de dire que la viande soûle va s'amonceler en début de soirée ; c'est un aspect que je laisserai volontairement de côté ici…

J'ai appris en festival que le porc à la bière n'a pas toujours aussi fière allure. (Pure provocation. Haters gonna hate.)

Après avoir superbement raté Ass Scream (je suis arrivé trop tard pour voir ce groupe, au nom désopilant d'ailleurs), j'entre dans la salle lors du set de Putrescent Birth. Ca fait grui-grui-kroum-kroum, ça semble plutôt basique, mais à en croire les réactions dans la salle, les fans de brutal death en ont pour leur argent. Le batteur, James (ancien serveur à la Boîte à Bières), me racontera plus tard que le groupe a été déçu par sa prestation, et qu'il leur a fallu une vingtaine de très bonnes critiques de la part de spectateurs pour revoir leur opinion à la hausse. De ce que j'en ai entendu, leur set sentait la sueur et le vomi, et c'est exactement ce qu'on cherche dans du brutal death, non ? Je ne suis pas fan du style, mais je sais à peu près reconnaitre un bon concert quand j'en vois un… et la peau de grosse caisse crevée juste avant la fin du set allait bien dans l'esprit bhroutôl du groupe.


Under Ossana Ghost, qui a pris la suite, était probablement un des deux choix de line-up les plus  risqués du festival : leur "metal moderne", sorte de néo-hardcore teinté de quelques sonorités electro, et son abondance de chant clair, étaient sans doute à mille lieues de ce que beaucoup de festivaliers étaient venu chercher ici. Il serait néanmoins dur de leur jeter la pierre uniquement sous le fallacieux prétexte que leur présence était "déplacée" : à l'exception peut-être de quelques parties de chant légèrement malvenues, la musique du quatuor rouennais est des plus plaisantes, composée avec un savoir-faire indéniable, interprétée à la quasi-perfection (car aucun set n'est jamais parfait, après tout), et s'écoute avec le même plaisir coupable qu'une chanson de Mnemic.


Avant la fameuse "pause bières" évoquée plus haut, le festival se devait de nous introduire le traditionnel cover band. L'an dernier, nous avions eu droit à un set de reprises de Judas Priest quelque part, à mon sens tout du moins, entre le désopilant (cuir, cuir, cuir moustache !) et l'insupportable (ça reste du heavy, autant dire que je ne suis pas fan…) ; cette année, c'était War Pigs qui nous a joué une sorte de best-of de… de ?.. allez-y, devinez… Honnête, pour ainsi dire, malgré un chant parfois un peu surjoué à coups de tremolos emphatiques et un son presque trop moderne pour le style. Cela reste un groupe de covers : on préfèrerait qu'ils essaient de créer plutôt que copier. Allez, puisque vous aimez bien les devinettes, une question subsidiaire : sur quelle chanson ont-ils ouvert leur set ?

Je me permets de leur suggérer une tenue de scène, en passant.

Deux heures de bière plus tard (sauf pour moi, qui ai tourné au vin blanc et au Coca), Retro'motions se charge de rouvrir le grand bal, avec un talent reconnu par pas mal des festivaliers présents et encore en état d'écouter de la musique -- les mecs, si c'est juste pour vomir de la bière et vous effondrer sur un carré de goudron, pourquoi vous venez en festival ? J'ai été bien moins convaincu par la prestation de ce groupe, visiblement composés de fans de Converge, dont le hardcore m'a semblé sans originalité et la présence scénique plutôt limitée.

Aïe, ma tête.

Après ce petit apéritif, nous avons directement droit au dessert, la cerise sur le gâteau, le raffinement à l'état pur, le secret de l'ambassadeur pour réussir ses réceptions : Rectal Investigation (sponsorité par Goatse.cx ?) nous offre un très agréable show d'une sorte de math-jazz aux relents magmaïens marqués qui… Non, je déconne, c'était du gros death sale. Le genre de style qui me fait marrer quand je suis bourré et que le côté porno-déconne est assumé jusqu'au bout (Gronibard, sans vouloir les citer). Quand c'est fait sérieusement, je m'ennuie un peu plus, question de goût. L'écoute de leur musique sur Myspace ne m'excite pas plus...

...non, vraiment, pas plus que ça.

C'est le death légèrement teinté de black [NdR : et de tout un tas d'autres choses, en fait, le groupe se définissant comme un groupe de death thrash hardcore... c'est ce que j'en ai ressenti depuis le pit, en tout cas] d'Herkainn qui vient ensuite secouer les humanoïdes ruisselants de sueur qui s'agitent dans le pit, et pour le compte, je reste regarder un peu plus longtemps… et pas seulement parce qu'il y a une fille dans le groupe. Noein en a deux, après tout, et pourtant vous savez bien que je les déteste, pas vrai ? C'est surtout qu'en plus d'être carré et précis, le set a quelque chose de surprenant : Herkainn ne va pas toujours dans la direction "standard" que les poncifs du style pourraient imposer, et cette originalité fait un bien fou. Encore une fois, il y aurait un léger effort de présence à faire (le stress de jouer juste avant les deux meilleurs groupes du festival, peut-être ?), mais dans l'ensemble, une prestation qui donne sérieusement envie d'en reprendre.

Fuck yeah.

En lieu et place, c'est Klone qui investit la scène. J'aurais déjà du mal à formuler tout le bien que je pense de leur musique, et leur dernier album "Black Days" est un petit chef-d'œuvre d'un metal calme, tiré du rock dans certaines sonorités comme dans le mode de composition -- tirer toute l'essence d'un riff en jouant avec brio sur les arrangements -- et touchant au mystique sans en avoir l'air, d'une façon que seuls les groupes français parviennent à exploiter (Gojira, Scarve, Mistaken Element et les autres, c'est à vous que je pense). Sur scène, la musique prend encore une autre dimension : intro et transitions flirtant avec le psychédélisme, ambiance envoûtante et irrésistible, interprétation juste et sincère renforcée par une présence et une énergie incroyables ; en un mot comme en cent : ce concert était une expérience de vie, un rituel prenant, duquel je suis ressorti paradoxalement revigoré -- alors que, physiquement, j'étais à deux doigts de l'effondrement pur et simple. Certains sont excellents, d'autres sont carrément magiques… Klone joue dans la catégorie des magiciens, et confirme, si besoin en était, qu'il est un groupe précieux de la scène française.

Magique, vous dis-je.

C'est donc avec une énergie nouvelle que j'assiste à une partie de la prestation de Gorod, un des meilleurs groupes actuels de "techno-death", cette espèce de style jugé trop élitiste par certains, trop froid ou pas assez cohérent par d'autres, et dans lequel, comme par hasard, on trouve surtout dans les postes de guitaristes des profs de guitare en école de musique voire en conservatoire… Au niveau de la composition, Gorod n'a pas à pâlir devant les pointures du style, mais bien qu'on soit trop tenté, à première écoute, de comparer le groupe à son père biologique Necrophagist, c'est une autre énergie et une autre personnalité qui se dégagent de leur musique : autant dire que le groupe a réussi l'exploit de créer une musique personnelle et distinguable dans un style pourtant a priori très contraint. Sur scène, tout est aussi carré et racé que sur album, l'énergie du live en plus. Je ne pourrais pas en dire plus sans sombrer dans une insupportable prose dithyrambique à l'extrême, pleine de métaphores usuelles et de qualificatifs mielleux. C'était juste une grosse claque.

...voire même un peu plus.

Honte sur moi : j'ai complètement raté Department Of Correction, un groupe dont les membres avec qui j'ai eu l'occasion de discuter sont délirants et adorables, et dont la tracklist comportait 34 titres pour une demi-heure de show. J'entends les mots "brutal death" et "grindcore" dans le fond, à croire qu'il y a des habitués. Quand vous saurez pourquoi je les ai raté, vous me pardonnerez. En attendant, j'ai reçu pléthore d'excellentissimes échos, que je suis tenté de croire. A la prochaine occasion, j'essaierai de ne pas les rater.

Haters gonna hate.

Nebulous prend la suite, quelque peu nerveux d'ailleurs, mais sur scène, cela ne se percevra pas : le groupe assure. Exit le mélange mathcore/death un peu brouillon d'il y a quelques années : fort de son expérience, et enrichi par une chanteuse dont la voix complète agréablement celle de Frantz, chanteur historique du groupe, Nebulous nous envoie une rafale bien agréable d'un deathcore plus efficace, aux plans plus carrés, aux structures plus propres, avec des riffs des plus efficaces et laissant quelques surprises agréables. La chanteuse, Mélanie, a sur scène la présence qui manque parfois à Frantz, un peu plus "pataud" dans son comportement ; on attend avec impatience qu'ils prennent le temps d'encore plus travailler les doubles voix. En attendant, après des débuts hésitants et un premier clip un peu maladroit, le groupe s'affirme comme "combo à suivre" de la scène rouennaise.


La soirée se conclut, pour les rares survivants, par un concert, ou devrais-je dire une performance, du quatuor Prön Flavürdik, un OMNI totalement révolutionnaire de la scène locale, sorte de math-rock teinté de metal et de jazz, expérimental dans le bon sens du terme (quelques relents d'une inspiration très Zappa-esque), foutraque mais cohérent, groovy et tordu. Habitués à du plus carré, pas mal de festivaliers auront fui, ou bien regarderont ce concert comme une curiosité, un "truc bizarre qu'on sait pas ce qu'il fout là et qu'on comprend pas trop les rythmes" ; quelques autres, dont je suis, restent en admiration totale devant ce maelström de créativité débridée. Dommage que, pour cause de besoin de transport pour rentrer chez moi, je n'ai pas pu tout en voir… Mais je ne les raterai pas.


Une grande soirée avec une ambiance bon-enfant très agréable (malgré les relents de whisky dans certains haleines et un sens du contact de certains bien trop marqué et sangsuesque à mon goût) et des concerts globalement excellents : cette année encore, le Festival des Arts Bourrins ne nous aura pas déçu. A l'an prochain, la Neuville.

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