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mardi 13 septembre 2011

Interview 2methylBulbe1ol


Vous m'avez déjà beaucoup entendu me plaindre du manque d'originalité dans le milieu de la dubstep, de la façon dont des milliers de jeunes artistes restent trop soudés à leurs influences (Excision en tête), et du souffle d'air bienfaisant qu'amènent certains petits prodiges à l'éclectisme salvateur comme Matta, Broken Note, Niveau Zero ou l'ami Brainpain. 2methylbulbe1ol fait partie de ces producers qui visent large, brassant dubstep, drum'n'bass, IDM et ambiant (avec quelques petites touches de hip-hop toujours bien placées) dans un même univers riche et envoûtant.


La preuve en musique ! ("Infected", sortie sur Ruff.)

Soulevé et ravi (on frôle le pléonasme, non ?) par sa prestation au Noxious Art Festival de cette année, je lui ai sauté dessus dès la fin de son set pour qu'il réponde à quelques-unes de mes questions... un exercice auquel le timide mais loquace Nico s'est livré avec entrain, me dévoilant des aspects de son projet plutôt surprenants. 2methyl, ou quand un fan de rock devient "par accident" un des producers d'électro les plus séduisants du moment grâce à la recherche infructueuse d'un batteur pour un projet grindcore.



Bonjour Nico ! Pour commencer par quelque chose, peux-tu me présenter 2methylbulbe1ol en quelques mots ?

2methylbulbe1ol est une formation solo de musique électronique née en 2007. J'étais guitariste pour un groupe de grindcore, et on cherchait un batteur qu'on n'a jamais trouvé, donc j'ai acheté une boîte à rythmes pour programmer les parties de batterie... et puis je me suis rendu compte qu'on pouvait faire d'autres choses avec, et j'ai commencé à me mettre à l'électro, au départ plutôt orientée IDM, breaks, un peu indus, pas spécialement bourrin mais très mélodique. Le moment où j'ai voulu commencer les lives a à peu près coïncidé avec l'arrivée en force du dubstep au niveau mondial ; je suis donc allé plus dans cette direction, parce que c'est un style qui cumulait beaucoup de choses que j'aime dans la musique.

Les origines de 2methyl. Sans déconner.

Tu m'as dit tout à l'heure [NdR : "en off", c'est-à-dire pendant la pause clope d'après concert] que tu n'étais pas trop branché par l'électro, à la base ?

Exactement, je suis plutôt rock et hip-hop. Ce que j'aime le plus en électro, c'est la drum'n'bass et la neurofunk, probablement ma principale influence pour 2methyl. J'ai quand même bien aimé le dubstep pour ce côté lourd et lent que j'appréciais déjà dans d'autres styles de musique. L'IDM aussi, notamment les sorties de Warp Records [NdR : Aphex Twin, Autechre, Battles, Flying Lotus, Squarepusher...], le breakcore de chez Peace Off [NdR : Cardopusher, Enduser, Rotator, Venetian Snares...], les métissages ragga, jungle, un peu abstrait. J'ai toujours été un grand fan de Xanopticon, par exemple, pour son côté abstrait et assez mental, finalement. La musique électronique me semblait être de la "fausse musique" auparavant, je n'y comprenais pas grand-chose, mais c'est lui qui m'a vraiment fait accrocher au style et comprendre qu'il y a quelque chose qui passe dans l'électro. Ceci dit, ça reste un style que j'écoute en minorité, notamment pour l'aspect purement technique, mais je prends beaucoup de plaisir à en écouter !


Tu es arrivé plus tard sur l'aspect plus organique de la dubstep ?

C'est surtout que j'aimais beaucoup ces sons plus futuristes, organiques effectivement, qu'on retrouve quand même plus dans la drum que dans la dubstep, qui se basait plutôt au départ sur des grosses basses extrêmement lentes ou du wobble. Ce n'était pas ma came, alors je suis revenu à des basses plus "gargouillantes".

Du latin "gurgulio", la gorge ou l'œsophage. Moins ragoutant, d'un coup.

Comment as-tu fait tes premiers pas dans ce genre ?

Ca a surtout consisté à réadapter mes anciennes compos IDM en y intégrant des basses plus lourdes, en leur donnant un aspect plus direct pour le live.

Le côté "wobble" de la dubstep ne t'a jamais trop accroché ?

Disons que c'est arrivé un peu plus tard chez moi ; j'aime bien ce côté "robot rigolo qui vomit" [sic] mais ce n'était pas vraiment un aspect musical que je cherchais. C'est efficace, ça tape, mais au bout de trois ans, maintenant que le style est bien installé, les gens commencent à en avoir marre. Je n'ai jamais été dans cette optique de musique très orientée DJ.

D'autant que ce n'est pas du tout commercial... (*soupir*)

On pourrait facilement te cataloguer comme appartenant à une sorte de "nouvelle vague" de la dubstep, un peu affranchie des poncifs du genre...

J'étais un peu dans cette optique, à la suite d'artistes comme Broken Note, ou Hecq quand il a commencé à faire ce virage depuis l'IDM, mais je ne pense pas qu'il y ait une volonté de "briser le carcan du dubstep". Je ne suis pas vraiment dans cette scène-là ; c'est plutôt un "moyen" pour moi, et je n'ai pas l'impression de casser des frontières non plus ! [NdR : Tu y contribues, mon cher, tu y contribues.]

Qu'est-ce que tu as en tête quand tu composes ? Entre l'aspect IDM très "réflexif" et le côté dubstep plus dansant, où se place ta musique, et comment veux-tu la faire sonner ?

J'ai toujours aimé raconter des histoires. Ca passe par le côté dubstep, pour le tempo, la lenteur, mais je m'intéresse plutôt à un aspect "cinématographique", même si ça fait un peu pédant de le présenter comme ça. Je travaille plus sur les ambiances, sans chercher particulièrement l'efficacité ; d'ailleurs, ma musique n'est pas vraiment faire pour faire bouger les gens. Je garde quand même un peu cette contrainte d'efficacité, dans le sens où c'est la musique que j'aime, et que je n'aimerais pas aller voir un type en live et me dire "ouais, c'est joli, mais j'ai envie de danser, je veux que ça tape un minimum". Je garde le cul entre deux chaises : je me base sur les atmosphères, mais en essayant de garder un côté un peu rentre-dedans.

Aspect cinématographique, travail sur les ambiances, rythmes rentre-dedans... A croire que je suis toujours attiré par les mêmes genres de musiques électroniques. (Illustration : Remain Silent. Mais j'aurais pu le remplacer par du Mobthrow sans gros problème.)

Est-ce que tu composes "par phases", avec des envies différentes d'une période à la suivante, ou bien restes-tu plus constant dans ta création ?

En ce moment, je suis plutôt dans cette phase dubstep, dans lequel j'intègre un peu de hip-hop, un peu de drum'n'bass, mais je retrouve toujours une certaine cohérence. Les différences se jouent plutôt au niveau du tempo, des rythmes, mais c'est plutôt une évolution. Je ferai sans doute quelque chose de différent dans un ou deux ans, parce qu'autre chose m'accrochera d'ici là, mais on retrouvera toujours les mêmes envies, les mêmes influences, tout ce qui a toujours fait ma musique à travers différents styles.

Où en es-tu au niveau des sorties ?

J'ai sorti il y a quelque temps un vinyl cinq titres autoproduit, "Quelques siècles d'insomnie", plutôt IDM, avec des rythmiques bizarres en 5/4, totalement impossible à utiliser par un DJ, puis trois maxis cette année : deux sur le label Ruff, un sous-label de Peace Off plutôt dédié au dubstep, dont un avec Niveau Zero [NdR : "My Roots/Glocken", respectivement de Niveau Zero et de 2methylbulbe1ol] et un tout seul [NdR : "Dead Channel/Infected"], et le troisième sur Komod.O DragOn [NdR : il s'agit de "King EP", et il suit directement dans les sorties Komod.O l'excellent "Venom EP" de Niveau Zero et Matta]. Je compose actuellement de nouveaux titres, peut-être pour un quatre titres avant la fin de l'année, mais je ne sais pas encore à quels labels le proposer. Je teste mes compos en live, et s'ils plaisent et me plaisent, je peux continuer à les travailler.


Comment ça s'est passé avec le Noxious ? N'avais-tu pas peur de l'accueil que tu pourrais avoir dans un festival axé principalement sur l'indus ?

C'est eux qui m'ont contacté, peut-être en partie par un effet de région, vu que ça se passe à Vesoul et que je suis de Besançon. J'avais quelques légères craintes, mais ça m'est déjà arrivé d'être calé entre de la dub et des trucs plus agressifs, voire même entre des groupes de styles totalement différents. En même temps, même dans une soirée dubstep, je ne suis pas sûr que les gens accrocheraient à ce que je fais... donc j'ai toujours cette appréhension. Au final, je pense que ça s'est bien passé, je n'ai pas reçu de projectiles.

On garde nos projectiles pour ceux qui les méritent.

Et le VJ que tu avais ce soir ?

C'est un camarade à moi, qui fait de la musique aussi, mais plutôt industriel et dark-ambient, et il fait de la vidéo à côté. Comme j'ai toujours aimé l'aspect visuel de la musique, on a commencé à bosser sur le visu. C'était une première pour moi, jusqu'ici je n'avais pas de visuels, ou alors ceux de l'organisation, et c'était l'occasion de faire quelque chose qui collait bien pour chaque morceau. Il a fallu séquencer les boucles, trouver les thèmes, gérer les enchaînements entre les morceaux... C'est un travail assez similaire à celui du son, finalement. On essaiera encore de peaufiner l'aspect visuel pour les prochaines dates, et j'aimerais continuer à travailler avec ce mec, peut-être sur des clips pour certains morceaux, mais en gardant ce côté semi-improvisé.

J'en ai gardé un bon souvenir, en tout cas.

L'indus, c'est un style qui te plaît ?

Je n'ai pas une énorme culture indus, à part des "vieilleries" comme TG [NdR : Throbbing Gristle] et des trucs très récursifs. Je ne pense pas faire de la musique très industrielle, mais c'est un style qui ne me déplaît pas ! J'ai suivi les concerts d'aujourd'hui ; j'ai beaucoup aimé Lith, parce que c'était bien dansant, et Solar Skeletons, deux Belges dont les projets sont très variés, du drone ambient au blues/doom, et leur prestation était mortelle. Maintenant, j'attends de voir ce que donne Chrysalide.

C'était brut et sale. Tout ce qu'on aime.

Une petite dernière question rituelle, que je pose toujours par curiosité : ...

Caleçon.

Non, c'est pas ça. Si, dans toute ta discographie, on ne te laissait garder que cinq skeuds, lesquels emporterais-tu avec toi, et desquels te débarrasserais-tu au plus vite ?

(quarante secondes de réflexion) Je dirais le premier EP de Neurosis, "Souls at Zero" ; du Erik Satie, même s'il n'a pas vraiment sorti d'album, les Gnossiennes sans doute... (quarante secondes plus tard) "At Action Park" de Shellac, un des groupes du producteur Steve Albini ; "Octopus", de Gentle Giant ; et du Venetian Snares, soit "Hospitality", soit "Cavalcade of Glee and Dadaist Happy Hardcore Pom Poms". Par contre, je n'ai pas vraiment de gamelles... peut-être un best-of de ZZ Top. Mais ils avaient de belles barbes, ça m'avait tout de suite impressionné.

...bien qu'on ait fait mieux depuis.

Merci, Nico !



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