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mardi 6 septembre 2011

Roel Funcken



Roel Funcken est un producer intarissable. Lui et son frère ont formé il y a maintenant douze ans Funckarma, sorte de projet polymorphe s'ancrant dans des racines IDM relativement marquées mais osant l'exploration d'une large palette de styles électroniques avec un talent reconnaissable, notamment dans la série des "Dubstoned" où les deux frangins déconstruisent et reconstruisent la dubstep avec un brio à en baver par terre. La discographie de ce duo hollandais est relativement impressionnante, bien qu'elle n'atteigne quand même pas, Dieu nous garde, la fréquence de releases d'un Frank Zappa ; la découverte de ladite discographie est un exercice demandant une grande patience mais dont la récompense est quasi-permanente.

"Clinter", sur le quatrième "Dubstoned".


La sortie en août 2010 de "Vade", premier (et unique à l'heure où j'écris cet article) album de Roel Funcken sans Don Funcken, pourrait donc sonner, vue de l'extérieur, comme une sorte d'infidélité, un "petit dans le dos" en quelque sorte. Mais ce serait mensonger pour deux raisons principales : la première, c'est que Roel "reste à la maison", disons à une des maisons qui ont accueilli chaleureusement Funckarma, et cette maison n'est autre que, attention suspense...

...qui devrait presque me rémunérer pour la façon que j'ai de systématiquement aimer leurs galettes et de le faire savoir.

La deuxième est que, si Roel a laissé un peu son frère dans un coin pour faire joujou dans un autre, c'est au final plus un clin d'œil qu'un doigt d'honneur qu'il lui adresse, car on reconnait bien dans "Vade" les goûts communs des frères Funcken pour les rythmiques "à la Autechre" ("Gallice"), les ambiances planantes et les références drum'n'bass, dubstep, electronica et autres qui surgissent dans tous les sens.

"Martyrz" : un peu de rythmiques décalées, un peu de dubstep, un peu d'ambiances perchées, beaucoup, de talent.

Il ne trahit personne par sa décision de composer tout seul de son côté ; il en profite juste pour n'avoir aucune limite, aucune relecture extérieure, aucune recherche de compromis. Seul, il ose plus encore qu'avec son frangin, disloque les genres ("Spi Trade", "Koortshond"), déstructure ("Orc Darce"), mélange les sonorités sans vergogne (de l'ambient/IDM/clubbing de "Daze Flextone" à la future dubstep déstructurée de sa suivante immédiate "Skarm Sfias"), crée le rendu d'un style dans l'esthétique sonore d'un autre ("Fiction Stub", "Martyrz"), déploie des ambiances saisissantes ("Vertox Dreaming", "Lyra Stellum") et déroule des paysages clairs-obscurs avec une élégance subtile (les superbes "Ledge" et "Bluent"). Difficile de donner une idée précise de cet album, pour tout vous dire, en n'en laissant que deux morceaux à l'écoute, tant l'œuvre est fouillée, riche, complète.

La superbe vidéo faite par Sarge GrafX sur une version raccourcie de "Bluent". A regarder en HD et sans modération.

L'amateur/décortiqueur d'IDM expérimental appréciera le talent indéniable et la recherche artistique, parfois à la limite de l'iconoclastie, d'un producer expérimenté et toujours inspiré. L'auditeur plus "naturaliste", qui écoute moins la musique avec l'oreille d'un technicien qu'avec celle d'un être sensible, accrochera sur les ambiances troublantes, hésitant toujours entre la délicatesse et la rugosité (la fin de l'album par exemple, passant de la mélodie lumineuse de "Halfkriel" aux vrombissements cassés et presque noise de "Lajor Mazer", a de quoi déstabiliser). L'un comme l'autre, en tout cas, pourraient trouver les plus grandes raisons du monde de tomber sous le charme de "Vade", un opus dont l'originalité flirte avec la folie plus ou moins contenue, et qui se montre saisissant voire "invasif" sans jamais user d'agressivité... et encore moins de facilité.



Site officiel : http://roelfuncken.com/

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