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vendredi 2 décembre 2011

Thy Catafalque


L’attention des lecteurs aux goûts éclectiques et avides de grosses baffes dans la tronche est expressément réquisitionnée, pour votre propre bien mental et, accessoirement, pour ne pas mourir idiot. Effectivement, aborder un groupe de metal avant-gardiste hongrois instigateur de machines à mandales qui s’étalent parfois sur une vingtaine de minutes, ce n’est pas à la portée du premier fan de David Guetta.

On a vraiment quelque chose contre lui, par ici.

Thy Catafalque nous vient donc de Hongrie, fondé en 1998 par Kátai Tamás et János Juhász sur les cendres de Gire, groupe d’avant-garde metal (tiens tiens) auteur d’un unique album. Le groupe sort une démo puis deux albums de black-metal atmosphérique où les envies d’extravagances de ses auteurs pointent déjà le bout de leur nez. C’est en 2004, avec "Tûnõ Idõ Tárlat", que Thy Catafalque pose la première pierre de son édifice, qui deviendra plus tard l’un des meilleurs représentantz de la scène avant-garde mondiale. Rien que cela, oui. Viennent ensuite en 2009 "Róka Hasa Rádió" et plus récemment, le 11/11/11, le petit dernier "Rengeteg".

Des débuts black/atmo, avant de sombrer dans l'avantgarde... Ca me rappelle quelqu'un, tiens. Un groupe dont MZ a parlé il y a un an déjà, et dont l'album "Fables of the Sleepless Empire", sorti entre-temps, est un chef-d'œuvre absolu.

La musique de Thy Catafalque n’est pas aisée à décrire ; elle possède en effet plusieurs visages, plusieurs empreintes, des masques qui s’échangent et s’interchangent en permanence sous nos yeux ébahis. 

Sur "Tûnõ Idõ Tárlat" ainsi que "Róka Hasa Rádió", le groupe suit un schéma assez similaire, commençant à chaque fois par deux longs morceaux, le premier d’une dizaine de minutes habituellement dantesques "dans ta face", et le second d’une vingtaine de minutes, entre cavalcades épiques et passages ambient. Le dernier album en date, "Rengeteg", déroge un peu à la règle tout en respectant le schéma, la seule différence étant que le morceaux le plus long ne vient pas en deuxième position mais en cinquième et qu’il ne fait "que" quatorze minutes.

Le premier pas du groupe dans l’avant-garde assumée et revendiquée est donc l’album "Tûnõ Idõ Tárlat", sorti en 2004. Cet album est sans conteste le plus "froid" du groupe, l’utilisation de l’électronique œuvrant pour beaucoup pour ce ressenti. L’album démarre en trombe avec "Csillagkoho" et son riff ravageur qui met les pendules à l’heure. Ce morceaux accrocheur en début d’album est une bénédiction et ne donne qu’une envie : se jeter sur le reste de l’album. Comme nous l’évoquions, le groupe est également expert en longs morceaux épiques qui font passer une vingtaine de minutes pour quelques secondes.

Sérieusement, ça donne envie d'écouter la suite, non ?

"Neath Waters", par exemple, une pièce incroyable de 18 minutes totalement épique et monumentale : cette touche électronique incroyablement bien distillée nous transporte dans cette scène hallucinée de "2001, L’Odyssée de l’Espace", un tunnel intergalactique coloré au milieu d’un espace noir sans fond ni matière nous projetant d’une dimension à l’autre, à la croisée de l’univers et du temps. On ne comprend pas forcément ce qui se déroule, mais on est là, pantois devant tant de créativité, d’originalité, voire de génie. L’aspect épique du morceau est gargarisant et vous donnera envie de brandir votre poing en rythme jusqu’à vous donner des crampes insoutenables. Il va sans dire qu’il s’agit ici de mon morceau favori du groupe, et de l’un de mes morceaux favoris tout court.

Le reste de l’album poursuit sur la même lancée grandiloquente : "Bolygó, Bolyongó" et son début technoïde complètement fou, "Kek Eg Karavan" et sa texture ambient réjouissante, ou encore "Zapor" et sa voix féminine pénétrante, qui repose les esprits entre deux bombardements. Ce premier album quelque part entre envolées lyriques, rythmes tribaux et black-metal électronique de haute volée, fait donc entrer Thy Catafalque dans la cour des grands et démontre avec brio ce que les gaillards ont dans le ventre.

L'accouchement a cependant dû être douloureux.

Seulement, le génie créatif du groupe ne s’arrête pas là, et leur permet de naviguer sur tous les flots, ; nous nous retrouvons ainsi, tantôt errant dans une forêt hongroise humide, relique du passé black-metal du groupe, tantôt dans un univers post-apocalyptique où tout n’est que noirceur moderne et décrépitude. 

"Róka Hasa Rádió", sorti en 2009, explicite encore plus ce génie créatif en délivrant une fraicheur folklorique, grâce à l’apport de mélodies à la flûte imparables, mélange de promenade matinale en forêt et de découverte d’un campement elfique dansant autour d’un feu de joie. Ce n’est pas le morceau le plus long de l’album (et de leur discographie), du haut de ses dix-neuf minutes, qui me contredira. Bien au contraire, "Molekuláris Gépezetek" est la définition même de la musique du groupe, ou comment devenir observateur privilégié d’une forêt tout droit sortie de chez Tolkien, en ébullition, sur Neptune. L’aspect planant du groupe est ici à son summum, avec ses mélodies guillerettes et ses nappes de claviers hypnotiques qui rendent le LSD obsolète sur plusieurs minutes, avant de déclencher la machine à riff et de nous finir à la moissonneuse-batteuse.

Thy Combine Harvester.

Le groupe a donc décidé d’opter sur cet album pour une direction plus "folk", toutes proportions gardées bien évidemment. La déferlante de riffs assassins est toujours présente, ainsi que les morceaux de bravoure électro-black-metallisés. Seulement, les mélodies imparables sont bien plus récurrentes, et apportent un côté folklorique non négligeable à la musique de Thy Catafalque. L’utilisation des claviers est sensationnelle, comme toujours, à l’origine de la fraicheur et de la diversité au milieu de cette déflagration sonore. Ils sont également instigateurs de mélodies imparables qui donnent cette touche accessible si particulière, moins présente sur l’album précédent; car, même s’il s’agit de metal avant-gardiste, classification effrayante pour les non-initiés, le groupe reste malgré tout à la portée de n’importe quel amateur de metal un tant soit peu ouvert d’esprit.

Le "hit en puissance" de l'album.

"Köd Utánam", un hit en puissance, en est le parfait exemple, et démontre tout le savoir-faire du groupe. Ce côté "tubesque" représente donc une nouveauté pour Thy Catafalque, toutefois sans jamais tomber dans la facilité qui donne des crampes d’estomac. "Ûrhajók Makón", quant à lui, se montre doux et docile, fragile montée en puissance jusqu'à l’abandon total aux claviers lancinants martelant l’empreinte électro toujours présente du groupe. "Õszi Varázslók" est également un merveilleux exemple de retour au black atmosphérique, avec ces nappes de claviers couplés à un chant clair incroyablement maitrisé et un chant black terrassant. Des exemples comme celui-ci se retrouvent sur la majorité des morceaux, le groupe nous invitant au voyage dans des tracks plus aérées que celles de son prédécesseur, mais toujours aptes à nous faire bouger la tête et taper du pied sans relâche.

Comme ça. (Crédit photo : Headbanging Beauties.)

Sur "Regneteg", le petit nouveau, le groupe devient one-man-band. En effet, Kátai Tamás prend seul les commandes du navire tout en faisant appel à des invités, Attila Bakos (Woodland Choir) qui s’occupe de ce magnifique chant clair, et Ágnes Tóth (The Moon and the Nightspirit) qui est à l’origine du chant féminin. Kátai a décidé d’opter pour un son plus direct, sans pour autant perdre la qualité inhérente des compositions. La différence la plus notable étant la durée des morceaux, drastiquement réduite puisque, contrairement aux albums précédents sur lesquels la durée moyenne était d’environ six ou sept minutes, plusieurs morceaux ne dépassent pas les trois minutes.

Le groupe souhaite donc se montrer sous un nouveau jour, plus efficace, tout en gardant sa singularité. En effet, rassurez-vous, les mélodies sont toujours aussi efficaces et les riffs toujours plus ravageurs. La marque de fabrique du groupe reste intacte et deux morceaux fleuves parcourent toujours l’album. Le premier morceaux tout d’abord, "Fekete Mezők", véritable monstre épique et hymne au headbanging, un des morceaux les plus entrainants qu’il m’ait été donné d’écouter. Ce premier riff donne simplement envie de se lever et de tout saccager autour de soi avec un gros sourire débile, neuf minutes de bonheur à l’état pur.

La preuve en musique.

Sur cet album, Thy Catafalque a décidé de se séparer de l’omniprésence du côté folk de l’album précédent pour se concentrer sur l’efficacité. Les claviers, discrets mais bien présents, remplissent toujours leur rôle à la perfection, donnant à cette avalanche de riffs et de brutalité une fraicheur nécessaire, pour ne nous donner envie que d’une chose : appuyer sur Repeat. Des morceaux tels que "Kel Keleti Szél" ou "Trilobita" sont de véritables petites bombes d’énergie et d’efficacité qui raviront petits et grands.

Le groupe n’oublie pas pour autant complètement son côté folk lunaire/ambient, en nous distillant des mélodies imparables et magnifiques ; "Kő Koppan" peut en témoigner, ainsi qu’une partie du morceau de bravoure "Vashegyek", où la voix d’Ágnes Tóth résonne entre deux riffs de mammouth. Relevons également le dernier morceau de l’album, "Minden Test Fű", où la batterie devient complètement folle et vous laboure le crâne sans aucune compromission. Il s’agit certainement d’un des morceaux les plus violents du groupe, digne représentant de ses racines black-metal et monstre d’efficacité.

Quelque chose comme ça, mais en musique. (If you know your hentai, I think you have guessed that this is going to end in the most graphic ear-rape ever.)

Thy Catafalque est un voyage hypnotique aux confins d’un psychédélisme brutal et épique, véritable vaisseau conquérant le monde des émotions et des rêves hallucinogènes. Le groupe nous mène par le bout du nez dans son univers de noirceur et de couleurs. Maelstrom des Cavaliers de l’Apocalypse et de Tolkien, le parcours du groupe est un sans-faute insolent qui n’attend qu’une chose désormais : vous.



Site officiel : http://www.thycatafalque.hu/

MySpace : http://www.myspace.com/thycatafalque



Chronique par Alex, aka A.A

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