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mardi 1 mai 2012

Trepalium


Trepalium, ou tripalium, n.m., du latin "tripalis" signifiant "qui a trois pieux/échalas". Instrument de torture, notamment utilisé par les Romains de l'Antiquité pour punir les esclaves rebelles, composé de trois pieux, l'un vertical planté dans le sol, les deux autres disposés en croix servant à garder écartés les membres liés de la victime afin de pouvoir la piquer, l'éviscérer ou la brûler. Racine du mot français "travail".

Ça met dans l'ambiance, pas vrai ?

Quand un groupe utilise ce nom, on se dit que ça ne va pas être particulièrement gai. Et pourtant, Trepalium, groupe français formé en 2001 aux alentours de Poitiers, est un combo qui s'est distingué par une approche très groovy du death-metal, sortant du carcan habituel "double pédale et blast en continu" que des groupes fondateurs comme Cannibal Corpse ou Morbid Angel ont toujours entretenu (ou auraient mieux fait de continuer à entretenir, mais c'est une autre histoire). Une énergie finalement très chaleureuse, parfois à l'encontre même de l'esprit de certaines chansons, comme la track "Usual Crap" dont les paroles, très sombres, contrastent avec l'aspect rythmé quasiment festif.

Et accessoirement, ils sont énormissimes sur scène.

Tant pis, en fin de compte, car s'il est vrai que l'on n'interprétera pas forcément leur musique avec le même état d'esprit qu'ils avaient en la composant, on peut facilement déceler la dose d'inspiration et de talent qui se terre dans leur boogie-death-metal de derrière les fagots, et ce dès "Through the Absurd" en 2004, enregistré par Laurentx Etxemendi et Joseph Duplantier au Studio des Milans (si vous ne connaissez pas ces noms, c'est que vous n'avez pas appris vos leçons : il s'agit du studio et des ingés-son des Gojira, Jo Duplantier étant également leur chanteur-guitariste). Certes, le groove y est encore timide, mais y est représenté un death-metal inventif, sauvage et organique.

"Paranoid", première track de "Through the Absurd". Attention aux cervicales, les jeunes. Et écoutez bien jusqu'au bout.

En 2006, avec "Alchemik Clockwork of Disaster", Trepalium monte d'un cran, et quel cran ! Parce qu'il en faut, des couilles, pour arriver avec un tel album. Bien plus groovy et jazzy que le précédent, regorgeant d'ambiances sombres et farfelues, osant les fusions musicales et les réussissant avec brio, ce deuxième album exclut le combo d'une longue lignée de groupes de death "moderne" pour le placer irrémédiablement en marge. Désormais, il faudra compter avec eux, car ils font une musique que personne d'autre n'a jamais faite et que personne ne pourra leur copier.

"Sick Boogie Murder". No comment. Relire le paragraphe précédent si besoin.

"XIII" enfonce encore le clou en affinant le style de Trepalium, en le rendant aussi, sans doute, plus efficace encore, plus lisible. La complexité des riffs et, parfois, des rythmiques, est effacée derrière l'aspect organique presque primal, qui justifie à lui seul les acoquinements avec Gojira. J'insiste : à lui seul, car il serait idiot d'y chercher d'autres points communs. Trepalium a créé son style et son univers dans "Alchemik Clockwork of Disaster" ; sur "XIII", il le creuse, s'y installe, y évolue en toute liberté, et avec une pêche, les enfants ! Une pêche ! Cet album est probablement la galette la plus jouissive de l'année 2009 ; elle donne envie de bondir, de sourire, de hurler. Elle est vivante, mouvante, dynamique, et nous entraîne dans son énergie. Que vaudra le successeur ? Les paris sont restés ouverts pendant trois ans.

Sylvain Bouvier, batteur du groupe, interprétant "Usual Crap". Le son est celui de l'album, par contre, comme le fait remarquer un des commentaires Youtube, "What's with the Travis camera angles, though?"

Le nom du quatrième album, "HNP", qui sort le 8 juin 2012 en France, est en fait l'acronyme de l'expression "Heic Noenum Pax", ou "Here's No Peace" en anglais. La pochette semble annoncer une sorte de retour aux ténèbres, que l'album réalise effectivement, et ce dès le premier titre éponyme. Pourtant, la première écoute n'est pas forcément des plus satisfaisantes : on aurait facilement l'impression que Trepalium a trouvé sa recette, à coups de rythmiques groovy, d'ambiances qui tapent, et on croirait presque que "HNP" n'est rien de plus qu'une sorte de jumeau de "XIII", auquel il semble faire référence sur sa pochette, et qui reprend même son organisation générale, avec ce break de milieu d'album, une track ambiante ("Order the Labyrinth") suivie de la chanson la plus groovy du skeud ("Insane Architect", qui a fait la promo de l'album), comme sur le précédent avec l'enchaînement "And Now"/"Usual Crap" (cette dernière se basant déjà sur la base rythmique en triplet-feel reprise dans "Insane Architect"). Moi-même, à la première écoute (certes relativement inattentive), je n'ai accordé à ce nouvel album qu'un "boarf" indifférent, je l'avoue non sans honte.

Pourtant, "Insane Architect" aurait dû à elle seule m'inciter à y jeter une oreille plus attentive.

Mais, à coups de pédale wah-wah (dès le premier titre "Heic Noenum Pax"), de passages ambiants glauques ("Order the Labyrinth" et son superbe passage semi-acoustique, ou la claire-obscure "Raining Past"), d'emprunts au black sur certains riffs ("Prescription of Crisis", "Insane Architect"), de soli sortis de nulle part ("Slave the World"), d'assauts de saleté black-death ("Let The Clown Rise", que l'on pourrait dédier aux érections pestilentielles de cette année), de synthés discrets et raffinés ("Prescription of Crisis" encore), de signatures rythmiques non-standard (les 5/4 et 7/4 de "Slave the World", "I Was" ou la captivante "The Worst Fiend") et de riffs toujours plus alambiqués, force est de reconnaître que le combo poitevin parvient à renouveler et ramifier son univers sans pour autant abandonner sa signature : cette énergie groovy si caractéristique, notamment sur "Insane Architect" ou "The Worst Fiend", et que des combos étrangers comme les très bons Hackneyed ont également exploité pour notre plus grand délice. Il y a cependant quelque chose de bien plus sombre ; malgré leur variété et leur utilisation d'éléments musicaux tirés de pléthore de styles, les tracks de "HNP" ont en commun une noirceur très marquée, bien plus que dans les albums précédents à mon goût.

 "Let the Clown Rise". Attention les z'oreilles.

On se laissera au final dévorer par cet album, plus abouti encore que le précédent, surprenamment riche et varié (contrairement à ce qu'on peut en penser à prime abord), hélas plutôt court (39 minutes), et dans lequel je ne regrette que la reprise relativement plate du "I'm Broken" de Pantera, dans laquelle la touche Trepalium ne ressort pas vraiment. Il y a du groove, certes, mais rien de vraiment nouveau sous le soleil, contrairement (par pur exemple) à "Army of Me" de Bjork reprise par Klone, qui la métamorphose. A cette bonus-track près (et Dieu sait que je n'aime généralement pas les bonus tracks), c'est un petit bijou que le groupe nous livre, emballé avec soin par cette Klonosphère que les amateurs de metal français révèrent tant.


Site officiel : http://www.klonosphere.com/trepalium/

1 commentaire:

Raph a dit…

il y avait un morceau calme dans leur 2ème album aussi (d'ailleurs il était chouette)

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