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jeudi 25 octobre 2012

Live report : Ez3kiel Extended (20/10/2012 @ Volcan, Le Havre)


J'ai entendu dire qu'Ez3kiel, à la base, est un groupe de dub/rock orienté trip-hop. Entendu dire. C'est probablement une information à mettre au conditionnel. Désormais, Ez3kiel ne peut plus avoir aucune étiquette ni aucune dénomination. Si je devais vraiment faire des comparaisons, je les rapprocherais finalement bien plus de formations de musique néo-classique comme Chaostar que de groupes de trip-hop ou de dub. De toutes façons, j'aime pô le dub.



Au départ, un départ qui date du milieu des années '90, Ez3kiel ressemblait à un groupe classique : basse, guitare, batterie, chant, inserts électro. Après deux albums au final relativement plats, "Barb4ry", en 2003, rehausse sérieusement la barre : le style est beaucoup moins contraint, le mélange électronique/organique est bien mieux maîtrisé, et le groupe devient ambitieux. Ridiculement ambitieux, même. Et c'est là que tout commence véritablement. Le groupe explose : l'album "Naphtaline", en 2007, est un chef-d'oeuvre musical et visuel, mêlant des morceaux néo-classiques d'une puissance émotionnelle incomparable à une imagerie onirique conçue de main de maître par Yann, le bassiste du groupe. L'album qui sort l'année suivante, "Battlefield", plus rock sous pas mal d'aspects, ne fait pas ravaler ses ambitions au groupe, qui forme en 2009 le Naphtaline Orchestra, dont les captations live ont donné naissance à un CD et DVD sorti très récemment.


Les visuels de Yann sont devenus audioréactifs pour pouvoir accompagner aussi bien le groupe original Ez3kiel (la drum-machine steampunk de "Break or Die" est tout simplement fascinante) que le Naphtaline Orchestra, qui revisite à sa façon le répertoire du groupe, avec une grandiloquence captivante, et chacun de ces aspects du Ez3kiel nouveau le complète et le transcende : visuellement, musicalement, émotionnellement, chaque performance d'une quelconque entité liée au groupe est une claque.

Crédit photo : beubeustand.

Aussi, l'émergence d'Ez3kiel Extended ne fut pas vraiment surprenante, mais ne laissait présager que du bon. Dans une sorte d'équilibre entre le quatuor originel et l'orchestre au grand complet, Ez3kiel a décidé de repartir en tournée à la fin de l'année 2012 sous la forme d'une formation d'une quinzaine de personnes dont la polyvalence résulte en une liste d'instruments monstrueuse : piano, violon et autres cordes, cuivres, thérémine, vibraphone, verres en cristal, et j'en oublie, en plus de la formation guitare/basse/batterie originale ; le vibraphoniste s'amuse également à jouer de la basse à l'archet, le pianiste s'occupe des parties électro, bref, même si la musique était passable et les visuels inexistants, le niveau technique des messieurs pourrait facilement nous captiver.

Crédit photo : beubeustand.

Mais Ez3kiel Extended, ce n'est pas que ça. C'est aussi, et surtout, 1h45 d'émotions cristallisées, parfois violentes ("The Wedding" est, pour le compte, très glauque en live, et les visuels fantomatiques n'arrangent rien), parfois délicates (presque toutes les chansons de "Naphtaline"), renforcées par la présence forte des instruments et par la beauté de l'orchestration, qui sait jouer sur l'effet d'ascenseur hérité directement de la musique classique mais sans que cela ne paraisse jamais exagéré ou surfait. Les visuels animés ne sont pas systématiquement utilisés, ce qui ajoute à la variété du spectacle et permet de mieux se laisser entraîner par la musique elle-même, et les lights, bien que parfois un peu agressifs, ont visiblement été conçus pour contribuer à l'esthétique générale, contrairement à 99% des concerts où ils sont improvisés "après coup" parce qu'il en faut.

"Léopoldine". Bonheur.

Plus qu'un concert, c'est d'un véritable voyage dont il s'agit ici. La puissance et la majesté de la musique, la palette de ressentis qu'elle réveille, la beauté surréaliste des visuels : tout est fait pour que nous frissonnions et nous émouvions en permanence, sans que personne puisse y rester insensible. Ez3kiel Extended surprend, chamboule, envoûte ou dérange, mais ne peut pas laisser indifférent. Sur mon humble personne, l'effet fut celui d'une sorte de tsunami émotionnel, me faisant oublier le temps qui filait sans que je puisse le saisir, le lieu étonnant dans lequel la prestation avait lieu (une sorte de salle très kitsch et très belle, construite comme un doigt d'honneur en plein milieu d'une zone portuaire à l'odeur pétrochimique nauséabonde), et même jusqu'aux gens qui m'entouraient. Rien à foutre de ce type, juste derrière nous, qui se sentait obligé de causer à son amie à chaque fin de morceau. Un simple détail. L'essentiel, bouillonnant, palpitant, fascinant, se déroulait devant nous et autour de nous ; le son nous englobait, sans espoir d'échappatoire.

Crédit photo : beubeustand.

Et probablement sans rémission possible, à en croire la ferveur avec laquelle j'en parle encore aujourd'hui. Le petit groupe de dub d'il y a encore dix ans est devenu un collectif de grands artistes. Et une heure quarante-cinq en compagnie de grands artistes, c'est incroyablement court.



Site officiel : http://www.ez3kiel.com

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