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mercredi 12 octobre 2011

Silencio


Cinq ans d'existence, une étiquette très vague ("rock progressif avantgarde") et un seul album, sorti en 2004 : Silencio était un groupe américain dont on n'entend plus parler, une petite étincelle de passage, confidentielle, pour ne pas dire injustement méconnue. Car leur unique galette, "Dead Kings", déborde de cette folie impressioniste dont même les styles mathrock, fusion ou avantgarde manquent trop souvent.



Un premier titre qui est là pour nous emporter : "15ifteen" et son introduction planante, au piano mineur et profond, quelque part entre le psychédélisme des périodes les plus sombres de Pink Floyd et le renouveau d'un Mars Volta, qui enchaîne sur un étrange hybride de rock FM, jazz, mathrock, rythmiques afro-cubano-déjantées... Un truc profondément novateur, expérimental, débridé, qui ose les rencontres bizarres au risque de ne pas accrocher l'auditeur, ou de passer pour trop incohérent.

Huit minutes quinze de bonheur tordu.

De toute façon, avec une durée moyenne de sept minutes par track, "Dead Kings" ne peut pas être un album racoleur. De la fusion jazz/mathrock/électro très Mike-Pattonnienne aux ambiances psycho-acoustiques post-Tool, de la jonglerie avantgarde imbitable au smooth jazz vibrant, l'album refuse de se laisser écouter. Il est décalé, sautant d'un truc à l'autre sans jamais nous ménager, mais sans non plus tomber dans la parodie de ses maîtres (le déjà cité Patton en tête, bien entendu). Sans qu'on ne sache trop pourquoi, il donne envie de s'acharner, de le réécouter, en y faisant un peu plus attention peut-être...

On se doute qu'on ne comprendra pas tout, mais ce n'est pas pour ça qu'on n'essaiera pas...

On voudrait le disséquer, mais comme on ne sait pas trop différencier l'abdomen du pied droit ou le rectum des branchies, on ne voit pas où donner le premier coup de scalpel. Et puis, avant de disséquer un bestiau, il faut le tuer, et "Dead Kings" ne se laisse pas faire ; il bondit en tous sens, trépigne, exulte et se terre, grogne et se roule par terre. On sent bien, de toute façon, que ce serait un crime d'essayer de le priver de son souffle de vie. Aussi foutraque qu'il puisse paraître, il tient quand même debout ; on se doute donc bien qu'il y a une énergie qui lui donne sa cohérence, un lien entre toutes ces influences, une structure qui soude l'improbable.

On aime bien les drôles de bêtes, par ici.

Il n'est donc pas paradoxal que ce disque révèle sa véritable puissance lorsqu'on lâche prise, quand on décide de ne plus essayer de comprendre. La façon dont une track comme "11leven" nous soulève le cœur, triste et glauque comme la plus belle des histoires d'amour, à moins qu'elle ne soit lumineuse comme une fin du monde, je ne sais pas trop... La façon dont les ambiances, et leurs multiples chamboulements et renversements, nous invite à un parfait surréalisme émotionnel, sans base fixe, acéré mais aux contours flous et mouvants...

"14ourteen", le plus court titre de l'album, mais pas le moins bon.

La musique narre ici les circonvolutions incessantes d'une âme qui ne s'arrête jamais nulle part sur son chemin, qui s'agite de soubresauts, qui tient le cap même lorsqu'elle se perd en chemin. Le chant n'est pas présent, ou alors sans paroles, car l'émotion ne se raconte pas et ne supporte pas le mot. Les sonorités se mélangent et se répondent, avec la même gouaille bienveillante qu'ont nos propres voix intérieures qui débattent entre elles sans jamais qu'aucune n'emporte rien. "Dead Kings" en devient aussi déstabilisant que peut l'être un condensé de vie. Aussi fort également, mais de cette puissance discrète et raffinée qui ne se laisse pas sentir au premier contact.



MySpace (seule "11leven" y est à l'écoute) : http://www.myspace.com/silencio

Oh, en puis à quoi bon, après tout ? Le groupe est "en pause" depuis plus de cinq ans et leur label a été racheté. Téléchargez l'album, comme tout le monde. C'est ça, ou faire les brocantes. Je pense que vous ferez vite le choix le plus pratique !

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