Qui a dit que ces dernières années ont été pauvres musicalement ? Certainement pas moi. A l’écoute de ce premier album éponyme de Fever Ray, il m’est impossible d’évoquer une telle ineptie. Expatriée de son groupe principal nommé The Knife, la suédoise Karin Dreijer nous invite dans un voyage sensoriel hors du commun, pour notre plus grand plaisir.
La musique de Fever Ray est organique, un véritable petit miracle en ces terres polluées par les Gaga et autre BB. Un joyau brut sorti de nulle part, entre élucubrations électroniques et retour aux basiques de l’être. Cette contradiction est à l’origine de ma fascination pour cet album : comment associer divinement bien une musique moderne à la Björk et des percussions tribales primitives ?
Ce disque est froid. Si vous en quête de bonne humeur et autres sucreries radiophoniques, passez votre chemin. Ici, tout est de glace. La bande son de vos cauchemars ressemblerait sans nul doute à cela. Une atmosphère poisseuse mais qui cajole, un petit cocon glacé où il fait bon s’enfermer, loin de tout, loin de tous. La délicatesse domine, au même titre que le malaise. Dire que l’on aime cela pourrait paraître tout à fait masochiste, mais dans ce cas quel bonheur de se faire mal avec Fever Ray. Une véritable artiste, à contre-courant de la musique actuelle, qui délivre un album fascinant de bout en bout, sans temps mort ni imperfection. Les atmosphères lugubres et cauchemardesques de David Lynch apparaissent comme une évidence au fur et à mesure de l’écoute. Karin Dreijer nous embarque dans son monde mystérieux et futuriste, là où l’introspection et les péchés voltigent, esprits fantasmagoriques et désenchantés. Cette voix si singulière pour seul repère au travers de ces dix constellations, le chemin de l’auditeur se trace selon son vécu, selon ses souffrances, selon l’état de votre intériorité. La déshumanisation au service de votre introspection. Dérangeant, n’est-ce pas ?
"Keep the Streets Empty for Me".
La transe se fait toute seule. Votre cœur bat la chamade. Les beats prennent votre pouls et s’y accommodent. Cette musique est organique, vitale. "If I Had A Heart" entame le voyage, votre vision se brouille, votre cœur aussi. "If I had a heart I could love you, If I had a heart I would sing, After the night when I wake up, I’ll see what tomorrow brings", clame la voix grave de la suédoise. Celle-ci vous embarque pour ne vous relâcher qu’au bout de ces cinquante minutes de rite vaudou. Malgré tout, au travers de cette noirceur édifiante, quelques bribes de luminosité font leur apparition au détour d’un clavier enchanté, d’un rythme plus soutenu, le tout magistralement porté par la voix plutonienne de Karin Dreijer. "When I Grow Up" ou encore "Seven" gardent un aspect "pop" tout en restant lugubres. Là réside le charme de cet album, où comment rendre le noir Beau, la mort douce, le cauchemar vital. Je vous avouerais que je ne m’attendais pas à une telle surprise en écoutant ce disque. C’est tellement beau, tellement loin de toute production actuelle qu’il en est devient difficile d’apprécier immédiatement le contenu de ce disque fabuleux. Ces univers travaillés à fleur de peau ne sont en effet pas à mettre entre toutes les mains, le LSD devenant obsolète après l’écoute d’une telle œuvre. La production est saisissante de réalisme et de proximité avec l’auditeur. Condition nécessaire pour permettre aux sons de la Suédoise de vous envahir. Tout est velouté, enfumé, cela laisserait presque l’impression que l’on peut toucher du doigt ces métamorphoses auditives.
"If I Had a Heart".
Pour ma part, aimer cet album fut une véritable évidence. Difficile d’y mettre une date, difficile également d’y coller une étiquette, le voyage est aussi unique qu’un être. La Suède était déjà reconnue comme terre d’accueil de magnifiques formations avant-gardistes et métalliques, cet album représente donc une nouvelle pierre à l’édifice. Je recommande ce disque à tout amoureux de Musique, la vraie, celle qui touche et qui nous rend vivant. Un voyage initiatique au milieu de vos sens et de vos pensées, la quête qui nous anime tous, sans aucun doute.
Un aller direct pour la Lune, ça vous dit ?
"Morning, keep the streets empty for me"...
4 commentaires:
Yeah ! J'adore The Knife - surtout Silent shout - mais je connaissait pas Fever =)
Ben c'est cadeau ! Remercie Alex pour la découverte (il faut que je le remercie aussi, sur ce coup-là...)
Finalement, tu fais deux types de chronique. Soit des trucs que je connais pas et qui déchirent, soit des trucs que je connais déjà et qui déchirent. Fever Ray déchire.
(bon j'exagère un peu, on va dire que je suis transcendé par 95% des groupes présentés ici)
(Fever Ray fait partie des 95%)
(est-ce que j'ai dit que j'aimais Fever Ray?)
Merci beaucoup, mais, encore une fois, cette chronique n'est pas de moi, mais d'un nouveau collaborateur occasionnel de Modern Zeuhl, A.A alias Alex. Et j'ai été ravi de découvrir Fever Ray grâce à lui, car cet album est tout simplement magique.
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