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jeudi 27 octobre 2011

Nicolas Jaar


La musique électronique telle qu’elle est connue dans notre société TF1nisée reposerait donc sur les épaules d’un certain David Guetta, joyeux luron frenchy qui se pavane d’île en île, distribuant "amour" et "gaieté" sur des rythmes sucrés aux clameurs affligeantes. J’ai envie de dire non, surtout pas. Ne pourrions-nous pas déguster un album d’éléctro confortablement installé, au calme, sans avoir une tête de surfeur décérébré nous implorant d’observer à quel point la demoiselle bouge son arrière-train de façon incroyable ? La musique électronique, la vraie, celle qui saisit et qui sublime, se cache souvent là où on l’attend le moins. Par exemple chez un jeune homme New-Yorkais d’origine chilienne de 21 ans qui distille sa musique évangélique sous couvert de basses pernicieuses et camouflées. Un petit génie. 

HUUUUURR DUUUUURR. (In French : "GNÉÉÉÉÉÉÉÉÉ FFFLBLBLBL.")

Quelle magnifique surprise en cette année 2011 que l’album de Nicolas Jaar. A l’heure où les beats affiliés discothèque côtoient les voix les plus sucrées imaginables dans la seule optique de vendre des palettes d’albums, Nicolas Jaar décide de nous prendre par la main dans un univers sombre et sans concession, sans pour autant perdre un sens du rythme hallucinant. Cet album est une boîte de chocolat que l’on découvre et ouvre avec hésitation, on regarde autour de nous, personne ne regarde, c’est bon. On aimerait pouvoir garder ce petit trésor pour soi, ne le partager avec personne, car s’inscrit sur ces pistes la bande originale de nos peines et de nos joies, sans pause publicitaire. L’enchainement des chansons est si pointilleux qu’il en est difficile de savoir quand l’on passe d’une chanson à l’autre, ce qui accentue cette sensation de vivre quarante-cinq minutes d’un véritable film musical. L’écoute de cet album nous plonge littéralement dans un univers de velours, une caresse molletonnée salvatrice. La production de l’album est excellente, les beats nous atteignent en plein cœur et les mélodies en sortent magnifiées. 

"Too Many Kids Finding Rain In The Dust".

Les beats, justement, animent et bercent sans pour autant perdre leur authenticité rythmique. La vocation dansante de l’album n’est donc pas en reste, notamment sur plusieurs titres phares qui doivent s’avérer terriblement efficaces en live ("I Got a Woman", "Specters of the Future", "Variations"). Ces beats si particuliers sont véritablement un des points forts de l’album. Jamais exagérés ni surproduits, ils engagent et libèrent. De fait, l’écoute procure la même sensation que de pénétrer dans une pièce obscure et inconnue ; on avance à pas de loup, chaque seconde synonyme de découverte, on se perd puis on reconnaît, nos sens sont en exergue. "Space Is Only Noise" reflète cette plongée au cœur d’un environnement chaleureux et mélancolique par ce downtempo salutaire et à contre-courant des modes actuelles. Nous sommes invités à suivre l’artiste dans son spleen dansant au groove incroyable du haut ses vingt-et-un ans. En effet, ce jeune homme nous délivre ici un coup de maître de maturité et de maitrise avec, rappelons-le, ce qui n’est que son premier album. 

"Specters Of The Future".

A la croisée du jazz, de la soul, de la pop ambient et de la minimal house, Mr Jaar envoie un pavé dans la mare qui marquera mon année 2011 à coup sûr. Des titres au tempo efficace tels que "Too Many Kids Finding Rain In The Dust", "Space Is Only Noise If You Can See" ou "Variations", d'autres plus obscurs et ambiants tels le magnifique "Être" qui reprend des répliques de Jean-Luc Godard et les mêle à un piano profond et jazzy, ou encore les bouleversants "Keep Me There" et "Balance Her In Between Your Eyes" : Nicolas Jaar joue avec sentiments et émotions, nous emmène là où il fait bon vivre. Ce disque est une introspection au cœur de l’inconnu et du bien-être, un spleen urbain qui comblera nos longues soirées d’hiver. Toujours avec une subtilité déconcertante, nous sommes ballotés des larmes au rire sans compromis ni temps mort.

"Keep Me There".

Alors, bien sûr, il pourrait lui être reproché un excès de zèle, peut-être une certaine prétention pour son jeune âge. Mais je ne suis pas de cet avis là, car Mr Jaar sait ce qu’il fait et il le fait (formidablement) bien. A l’image de ce terrain vague grisâtre et déserté, il délivre un son épuré et écorché, toujours dans une optique fatalement dansante pour l’auditeur. Plongez au cœur de cet album, baissez la garde, laissez Nicolas Jaar vous emmener dans son monde fait de sentiments merveilleusement humains, loin des mélopées house indigentes des plages de Miami ou de Saint Tropez.



Site officiel : http://www.nicolasjaar.net/




Chronique par Alex, aka A.A

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