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lundi 13 décembre 2010

The DJ Producer


"Papa ?
- Oui, ma petite fille ? ...et arrête de m'appeler Papa, j'ai un prénom, tu sais, mon ange.
- Papa, c'est quoi une teuf ?
- Une teuf ? (J'hésite pendant quelques secondes, me demandant comment je vais bien pouvoir m'en sortir.) Pourquoi tu me demandes ça, ma puce ?
- Passque Maman elle dit que tu sais mieux qu'elle ce que c'est, une teuf, et j'ai entendu un monsieur dans un film qui disait qu'il était allé dans une teuf et qu'il avait dansé et qu'il avait pris de la cocaïne et qu'il était comme un fou. C'est quoi, la cocaïne, Papa ?

- La cocaïne, c'est une drogue, qui permet aux gens de se sentir plus en forme. Alors ils en prennent pour faire des soirées qui vont durer toute la nuit, ou des fois pour travailler.
- Mais alors, la drogue, c'est bien ?
- Non, c'est très dangereux. Les gens croient qu'ils ne risquent rien en se droguant, mais ils ont tort. En plus, ils veulent souvent fuir leurs problèmes en se droguant, et ça c'est encore plus dangereux. Quand tu te drogues, ça peut te faire oublier que tu as des problèmes, du coup tu ne les règles pas, et ils deviennent encore plus graves. (Ma fierté de réciter si bien mes leçons se transforme en légère déception quand je comprends que ma petite princesse ne comprend pas un mot de ce que je lui dis.)
- Mais c'est quoi, une teuf ?
- C'est comme une boum, sauf que des gens organisent ça dehors, généralement illégalement, parce qu'ils ne veulent pas être encadrés de flics. Ils écoutent de la musique qu'ils mettent très fort, ils dansent jusqu'au petit matin.

"The Pain Threshold". Qui a besoin d'ecstasy quand la musique est si tarée ?

- Du coup, les gens ils se droguent parce qu'ils veulent danser jusqu'au matin ?
- Certains, oui, mais pas tous. D'autres prennent d'autres types de drogues. Eux, ils ne veulent pas être plus dynamiques, ils veulent se payer un trip, enfin... ils veulent entendre la musique ou voir le monde d'une autre façon, et il y a des drogues qui déforment ta vision ou ton ouïe, on appelle ça des drogues hallucinogènes, parce qu'elles te donnent des hallucinations. (Je la vois très étonnée ; je sens qu'elle se souviendra de ce mot et qu'elle me redemandera ce que ça fait vraiment.) Et puis il y a aussi des gens qui vont en teuf mais qui ne se droguent pas forcément, tu sais. On peut aussi y aller juste pour la musique, et triper sur la musique. Tiens, je vais te faire écouter. (Je me lève, saisis l'album "Doomsday Mechaniks" de The DJ Producer, et le mets en lecture.) Ca, par exemple, c'est DJ Producer. Je te l'ai déjà fait écouter.
- Ouiiii ! (Elle saute de joie.) J'aime bien la fille qui chante au début, et le monsieur qui se met en colère, et les sons des vaisseaux des extraterresses ! (Oui, ma petite puce a une imagination hilarante.)
- Lui, par exemple, il fait ce qu'on appelle du hardcore. C'est rapide, ça fait boum-boum très fort, et les gens qui vont dans les teufs adorent danser sur ça. Ou sauter, ou gigoter, mais en tout cas ils aiment bouger sur ce genre de musiques. Mais ce n'est pas juste parce que c'est boum-boum. Ecoute (je monte le son pour appuyer ma démonstration) : il y a des grosses basses, ronflantes, profondes, qui te font vibrer tout entier ; et puis il y a les sons, partout, toujours, ils sont omniprésents, décalés par rapport au rythme, parfois doux et mélodieux, parfois grésillants ; et ça, ma petite, c'est mieux que n'importe quelle drogue. La musique t'emporte avec toi, elle te prend par la main et elle t'emmène voyager avec elle, elle te surprend, elle te fait ressentir des émotions. Ferme les yeux, et écoute. Tu peux te laisser emporter, et voyager. Un "trip", en anglais, ça veut dire un "voyage". Et lui, il fait voyager, pour de vrai. Il pourrait juste envoyer un gros beat bien violent et ne rien créer par-dessus, comme plein d'autres, mais au lieu de ça, il développe et travaille ses ambiances, et il nous invite sur des planètes qui n'existaient que dans sa tête, au départ. Tu vois, ma puce, c'est ça, pour moi, la "vraie" musique : c'est un artiste qui te fait ressentir ce qu'il ressent et voir ce qu'il voit. Avec une musique comme ça, pas besoin de te droguer.

"History Lesson", un autre des onze tours de force de l'album "Doomsday Mechaniks".

- Papa ?
- Oui ?
- Pourquoi tu parles bizarre comme ça ? Tu crois que y a des gens qui t'écoutent ?
- ...Non, ma petite fille. Je répondais juste à tes questions.
- Tu laisses la musique, hein ? Comme ça je m'assois et j'écoute."



The DJ Producer est un DJ anglais, un des précurseurs du hardcore, et un de ses plus prestigieux artistes encore en activité. Les ambiances psychédéliques qu'il développe particulièrement dans l'excellentissime album "Doomsday Mechaniks" (2004) se ressentent également dans ses collaborations avec Hellfish, lui aussi un excellent DJ et producteur anglais -- à ce titre, l'album "Bastard Sonz of Rave" (2002) est un chef-d'oeuvre de hardcore/breakbeat enfumé. Producer revient cependant régulièrement à du "gros son qui tâche", avec une maîtrise du DJ-ing incroyable, comme dans le mix industriel/hardcore "Operation Obliterate - A Collection of Industrial Love Songs" (2008) qui est une superbe ode aux basses qui envoient.

"Witchhunt", première (et superbe) track de "Bastard Sonz of Rave".

Quinze ans de carrière, c'est énorme à explorer, mais vous pouvez commencer par les titres "Doomsday Mechaniks", ainsi que "The Pain Threshold" et "History Lesson" (dans cet article), extraits tous trois de l'album "Doomsday Mechaniks".

Visitez aussi le MySpace officiel : http://www.myspace.com/thedjproducer

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