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mercredi 15 décembre 2010

Textures


Parfois, j'aimerais juste pouvoir m'asseoir avec certaines personnes, et leur expliquer ce que je trouve à ma musique. J'aimerais leur disséquer la finesse et l'émotion de la musique d'un Meshuggah, d'un Textures, d'un SUP, et de tellement d'autres. J'aimerais qu'ils réussissent à voir où se situe le point de jonction entre la personne douce que je suis et les musiques "violentes" que j'écoute. J'aimerais qu'ils ferment les yeux et au moins qu'ils essayent de se laisser emporter à leur tour par la folie d'un Venetian Snares ou la superbe noirceur d'un Shape of Despair, par la catharsis mélancolique d'un Neurosis ou d'un Ira, par la positivité inébranlable d'un Excision ou d'un Gojira.

Suis-je le seul amateur de metal et d'autres musiques anti-bankable à avoir déjà fait ce rêve ? Clairement non. D'ailleurs, j'en ai encore vu un autre, pas plus tard qu'hier, écrire une phrase qui semblait signifier quelque chose de très proche. Je me souviens de cette époque où je ne voyais dans le metal que la violence, l'énergie presque primale (d'autant que Dimmu Borgir et Sepultura ont figuré parmi mes premiers coups de coeur) ; et je me rappelle vaguement le choc que j'ai ressenti en y trouvant autre chose de très subtil, comme une façon d'hurler la douceur ou de vomir l'amour (Gojira a clairement ouvert la voie dans ma discothèque personnelle). Depuis, la claque émotionnelle et la déstructuration sont mes deux fers de lance, et je les recherche, dans cet ordre de préférence, dans les musiques que j'écoute.

Il m'est donc totalement impossible d'ignorer tout groupe officiant dans un registre comme celui de Textures. Trois albums, autant de petites merveilles, oscillant quelque part entre le bon vieux thrash des familles (particulièrement le premier album), le mathcore un peu tordu (des structures parfois très alambiquées à la Meshuggah) et le death mélodique (la comparaison à In Flames paraîtrait abusive à certains, mais je la trouve fondée, surtout pour le dernier album) -- le tout dans un esprit global plus proche de la spiritualité Nouvel-Âgiste que de la rébellion nerveuse de la plupart des groupes qui triturent du hardcore ou du thrash.

Clip de "Ostensibly Impregnable", tirée de "Polars". Prends ça dans ta face.

Le premier album, "Polars" (2004), a longtemps été mon préféré, pour une raison toute simple. Comme je l'ai déjà évoqué dans ma chronique sur My Own Private Alaska, j'aime la dureté du choc entre deux mondes, et la sensation incomparable qui en résulte de se sentir comme dans l'oeil du cyclone. C'est le ressenti global que "Polars" m'inspire, brut et mélodieux à la fois, et évoluant lentement de la rage désespérée et de la colère autodirigée (la ligne de paroles "No tool known to man to fix the way I feel" dans "Swandive") vers une forme de sérénité aussi ambiguë que profonde (le "Nature will win this war" dans la chanson "Polars", un chef-d'oeuvre de dix-huit minutes, puis la longue mélopée ambiante "Heave" qui conclut l'album).

Clip de "Millstone", tirée de "Drawing Circles".

Et puis j'ai pris le temps de réécouter les deux suivants, "Drawing Circles" (2006) et "Silhouettes" (2008). Je me suis débarrassé de la soi-disant déception que j'avais ressentie en découvrant le relatif changement de style des zoziaux, et j'ai repris les deux albums dans la gueule. Le choc est moins âpre, le rendu plus lisse, la rage plus maîtrisée, mais quel son, mes aïeux ! Des structures rythmiques d'une complexité parfois étourdissante, mais jamais choquante ou brusque, grâce à des arrangements et un sens mélodique maîtrisés à la perfection (je pense notamment à la superbe "Laments of an Icarus"), et toujours ce ressenti enivrant, enrobant et dérobant, presque éthéré ("Circular"), fondu dans des passages plus proches du metalcore des débuts, qui nous déchirent entre l'envie de nous asseoir en tailleur pour méditer et celle de headbanger sauvagement (sur des morceaux comme "Stream of Consciousness" ou "The Sun's Architect", on peut même alterner les deux).

Clip de "Awake", tirée de "Silhouettes".


Textures n'est plus le point de rencontre de la rage et de la foi, il est celui du corps et de l'âme ; solidement accroché au sol tel un pachyderme incontrôlable, et la tête dans des Cieux que l'art a toujours voulu, plus ou moins maladroitement, raconter.



Site officiel : http://www.texturesband.com/

MySpace officiel : http://www.myspace.com/textures



PS : un des membres de Textures a fait partie de feu le projet Exivious, dont la fusion metal/rock/jazz est à peu près aussi bonne que Textures et Cynic réunis.

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