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jeudi 5 mai 2011

Septicflesh


Que ce soit clair tout de suite : Septic Flesh et Septicflesh sont en fait les formes passée et actuelle (je vous jure qu'il n'y a aucune faute ou coquille dans ce que vous venez de lire) du même groupe. Le groupe de death/black/gothique Septic Flesh, formé en 1990, a sorti de très belles choses. "Ophidian Wheel" (1997) ou "Revolution DNA" (1999), par exemple, sont de très bons disques, et un véritable style Septic Flesh, reconnaissable entre mille, a vu le jour.
"Magic Loves Infinity", sur le dernier album sous le nom Septic Flesh, "Sumerian Daemons".

C'est pourquoi le changement de nom, bien que discret, n'est pas anodin : après une reformation en 2004, le groupe ne s'oriente plus exactement dans la même direction. Il faut dire que Chris Antoniou et Sotiris Vayenas, deux des trois membres fondateurs du groupe, ont fondé en 1998 le projet Chaostar, groupe de néoclassique à influences gothiques, avec également un soupçon d'électro (particulièrement sur le premier album éponyme, sorti en 2000, très expérimental, alors que le superbe troisième album "The Scarlet Queen", quatre ans plus tard, reste plus ancré dans un classique teinté d'opéra, très théâtral, baignant dans un spleen aux inspirations gothiques voire doom, mais sans les guitares ni la batterie). En plus de nous offrir quatre superbes albums, beaux à vous donner la chair de poule et à vous coller la larme à l'oeil, Chaostar a également contribué à l'enrichissement musical du Septic Flesh qui était déjà en train de devenir Septicflesh, en un seul mot.

"An Electric Storm of Thoughts", sur le premier album (éponyme) de Chaostar. Un hybride étrange et grandiose.

Car le Septicflesh nouveau, c'est un mélange grandiloquent de black/death rapide et cru et d'orchestrations classiques. Et attention : je ne veux pas dire par là qu'ils ont greffé plus ou moins artificiellement des samples de violons à leurs morceaux pour sonner un peu comme Dimmu Borgir, dont le "Puritanical Euphoric Misanthropia" fête son dixième anniversaire cette année, et qui est resté aussi unique et fabuleux qu'il n'est passé de mode. Comprenez : c'est un excellent album qui s'écoute toujours avec le même plaisir, mais quiconque sortirait le même aujourd'hui se ferait accuser par votre serviteur de passéisme et verrait sa création mise dans le rayon "truc de vieux" à côté des derniers Motörhead (je ne citerai pas d'exemples, mais les noms ne manquent pas).

Arf, pas besoin d'aller loin pour écouter une parodie du Dimmu Borgir de 2001, il n'y a qu'à écouter le Dimmu Borgir de 2010 ("Gateways", sur "In Sorte Diaboli").

Septicflesh a réinventé une branche du metal qui ne pourra jamais appartenir qu'à eux avec "Communion", le premier album de cette nouvelle mouture du groupe, sorti en 2008. Les parties symphoniques ne sont pas toujours là pour adoucir le rendu, ou pour lisser les angles ; elles ajoutent au contraire à la rudesse d'un black/death dru (écouter les blasts et le riff aigre de la chanson "Communion"), un peu plus loin de l'inspiration gothique des débuts (bien qu'on retrouve cette sorte de romantisme qui faisait une partie du charme de l'ancienne mouture du groupe, dans "Annubis" et le gentillet "Sunlight/Moonlight" en particulier), et lui apportent à la fois une intensité saisissante (les violons et cuivres épiques de "Lovecraft's Death" sont tout bonnement époustouflants, ainsi que les choeurs de "We the Gods") et une sorte de folie décadente (les breaks de "Babel's Gate"). On retrouve cependant des éléments de Septic Flesh, particulièrement concentrés à la fin de l'album, et c'est peut-être sa seule faiblesse : "Narcissus", qui conclut l'opus, ressemble trop à ce que le groupe faisait avant, et après plus d'une demi-heure passée à créer et exploiter un nouveau son, on croirait presque que "Communion" s'en veut, et nous chante un petit "Je n'ai pas changé" avant de replier les gaules.

"Babel's Gate", épique.

Cette demi-mesure a largement reculé dans le tout nouvel album "The Great Mass", sorti le 18 avril 2011 (il y a deux semaines à peine à l'heure où j'écris ces lignes). "The Vampire from Nazareth", qui ouvre l'opus, pose l'ambiance : chant féminin lyrique, grosses parties de black/death, orchestration classique grandiloquente, Dimmu peut aller se rhabiller. Cette façon de mélanger les genres, et d'en faire un tout cohérent sans chercher la fusion formelle, est une révolution artistique. Un peu gêné à la première écoute par un passage un peu plus "gothique", voire émo, avec ce chant clair quelque part entre vibrant et ennuyeux qui marque Septic Flesh (je suis mauvaise langue, j'aime bien sa voix, en vrai), mais globalement ravi et halluciné par la qualité de composition.

La voici : "The Vampire from Nazareth". Un gros bloc de créativité condensé en quatre minutes.

Dans cet album plus orchestral que le précédent, l'équilibre se fait plus juste entre les explosions black/death racées ("Five-Pointed Star", dont on sait rien qu'au nom qu'elle va contenir du blastbeat ; "Mad Architect", intense de bout en bout) et les passages "plus calmes" (la martiale et entraînante "Myramid God", tout ce qui est après l'entrée en matière dévastatrice de "Oceans of Grey", la superbe "The Undead Keep Dreaming", la belle piste de conclusion "Therianthropy"), alternant même sans que cela choque au sein d'une même chanson ("A Great Mass of Death", la prenante "Apocalypse", "Mad Architect" encore), mais on sent surtout que la page a été tournée et que la transition est faite. Septicflesh sait ce qu'il veut faire, et il le fait avec puissance et innovation. On n'a pas affaire à "un autre groupe de black sympho", mais à une formation qui, pour la deuxième fois de sa carrière, a inventé son style. Chapeau bas.
"Mad Architect" : violence, symphonie, grandiloquence, relents de mysticisme. Un régal.

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