Les photos live de cet article sont de Thomas "Follow The Way" Seropian.
Comme souvent avec des musiques aussi audacieuses, l'épreuve du live est décisive. C'est avec une certaine excitation que je les avais vus le 25 octobre 2010 à La Maroquinerie. Dès les premières secondes, cette furieuse explosion sonore avait provoqué chez moi un méchant cri de jouissance accompagné d'un puissant "Ces mecs-là ! Ils sont tellement bons !".
Leur second passage à Paris, au Point Ephémère cette fois-ci, se produit à l'occasion du festival Musiques Volantes. Les hasards du line-up ont fait que, ce soir-là, la première partie est assurée par les anecdotiques Bass Drum Of Death : du rock guitare/chant + drums aux cheveux longs.
Parlons plutôt des blackjazzers norvégiens : le groupe arrive sur scène pour faire quelques réglages. Ils sont souriants, mais concentrés. Et d'un coup : BLAM ! Sans prévenir, le maelström sonore est lancé à pleine vitesse et c'est la furieuse introduction de "Healter Skelter" qui ouvre les hostilités. Ce son ! Cette énergie ! Cette intensité ! Les mots me manquent pour décrire la sensation de jouissance malsaine qui se dégage. Malgré la complexité et la noirceur de leur musique, et le côté "free" jusqu'à l'os de leur son ultra-saturé, le groupe dégage une incroyable énergie positive, Jurgen Munkeby en tête, s'éclatant comme un gamin découvrant les joies de la distorsion avec sa guitare électrique offerte à Noël. Les titres s’enchaînent ensuite en mêlant beaucoup de tracks de leur dernier album, avec quelques perles dénichées dans leurs anciens albums et remises à la sauce Blackjazz. Robert Fripp disait à propos de King Crimson qu'il s'agissait plus d'une manière de faire de la musique que d'un groupe : de la même manière, Shining a trouvé sa voie, son propre son, sa manière de faire groover les instruments du rock.
Clip officiel de "The Madness and the Damage Done", qui ouvre l'album "Blackjazz" (2010).
Chaque instrumentiste est effrayant de maîtrise et de précision. Le batteur, c'est la force tranquille ; ce norvégien que l'on imagine facilement bon compagnon de route et père aimant impose une étrange sérénité malgré un jeu extrêmement rapide, technique et syncopé. Le guitariste est un enchantement à lui tout seul, headbangant comme un beau diable : c'est la caution "rock'n'roll" du son du groupe. Le clavier se démène comme un diable et amène un coté malsain et jubilatoire. Le bassiste est le dandy du groupe ; il en impose sévère, avec un son de basse puissamment distordu. Finalement, le frontman Munkeby est en quelque sorte le chef d'orchestre de cette joyeuse troupe, au chant et maniant aussi bien sa belle Gibson noire qu'un saxophone sorti tout droit du pandémonium coltranien.
En-dehors des qualités personnelles des musiciens, le groupe dégage une énergie renversante. Cette musique est très exigeante et ne laisse aucun répit ; Miles Davis a rencontré Satan et ils ont fait des enfants qui groovent. Le Blackjazz Show se termine par une reprise de l'incroyable "21st Century Schizoid Man", écrite en 1969 par King Crimson, et Shining rend un magnifique hommage à ce monument : grandiloquence, esprit d'improvisation, liberté rythmique et audace, tout y est !
Shining est un précurseur ; et, de même que l'album "Chaosphere" de Meshuggah a tout chamboulé en inventant une nouvelle façon de faire sonner des guitares électriques (et dont l'aboutissement est la déferlante djent et math-truc-"à-la-Meshug" que nous connaissons aujourd'hui), j'ai la conviction que "Blackjazz" est le début de quelque chose. Pas tant dans le son que dans la démarche.
Review par Rafi2600
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