The Mars Volta est définitivement un groupe hors-norme. Leur dernier album "Noctourniquet" en constitue déjà une preuve très éloquente, fusion riche et hypersensible, mathrock teinté de jazz et de sonorités électroniques, aux mélodies arrache-cœur et à l'énergie subtile, et il me serait difficile de le décrire plus avant sans me répandre en éloges, vulgaires à force d'insistance, dont la lecture finirait par vous être insupportable. Depuis le peps saute-au-paf du premier At The Drive-In, que de chemin accompli, pas toujours dans le sens du plus calme, comme beaucoup de groupes qui "s'assagissent" avec le temps, mais plutôt dans le sens du plus mélodique, plus travaillé, plus subtil… plus difficile d'accroche, peut-être ? Difficile à dire. Est-il plus facile de découvrir The Mars Volta avec "De-Loused in the Crematorium" (2003) ou avec "Noctourniquet" (2012) ? Ou bien avec le plus paisible et mélancolique "Octahedron" (2009) ? Ou encore avec l'album maudit "The Bedlam in Goliath" (2008) ? Est-ce que cela ne dépend pas de la culture musicale de chacun ?
Hein ? Sérieusement ? Tu le sais, toi ? Hein ? Pourquoi ? Hein ?
De la même façon, le groupe est-il plus easy-listening en live ou sur album ? Difficile question, encore une fois, d'autant que lorsque The Mars Volta fait un live, il ne se contente pas d'interpréter des chansons : il les recrée, les rallonge, les ravive, les improvise, les fait planer. Voyez donc : sur un concert ayant duré au final 110 minutes (oui, pas loin de deux heures), la première heure et demie n'a été basée que sur des titres du dernier album. 90 minutes de concert avec des chansons d'un album qui en dure à peine 70. Et des chansons, déjà superbes sur album, comme "The Malkin Jewel" ou "Trinkets Pale of Moon" qui se sont retrouvées distendues, prolongées à coups d'ambiances post-psychédéliques, soutenues par un batteur, Deantoni Parks, qui excelle autant dans ses envolées jazzy que dans des rythmiques qui empruntent à l'électro voire à l'IDM, bercées par des mélopées de synthés jamais caricaturales, dynamisées par ce guitariste/soliste/expérimentateur sonore génial qu'est Omar Rodriguez-Lopez, et sublimées par les chants et effets vocaux d'un Cedric Bixler-Zavala fou, sorte de Robert Plant enfermé dans un corps de Jimmy Page (…le Jimmy Page d'avant les années '90, Dieu merci), emporté par le souffle de ses chansons entre deux pauses-tisane (authentique), gesticulant et vibrant, possédé et possédant.
En attendant que d'éventuelles vidéos live de la date toulousaine n'atterrissent Youtube, voici "Dyslexicon" jouée au Sonic Summer de l'an dernier. A part la voix de Cedric encore hésitante -- un peu froide, probablement -- une interprétation ravissante.
Pour certains (car il y a de tout en ce monde), l'expérience parut ennuyeuse. Les quelques-uns qui n'ont pas aimé l'évolution relativement récente de The Mars Volta, trop calme, trop "pop" (sent-on mon ironie lorsque j'utilise ce vocable en parlant de ce groupe ?), loin de l'énergie encore furibonde qui leur restait sur "Frances the Mute", peu après le split d'At The Drive-In… et, pourquoi pas, ceux qui auraient voulu que les chansons soient interprétées dans leur état "normal", et non rallongées par des passages expérimentaux/ambiants atteignant parfois la dizaine de minutes… les consommateurs de musique, en gros, qui s'accrochent à la technique et à la prévisibilité et renient toute opportunité d'émotion pure.
Sans oublier ceux qui ratent tout en voulant tout capturer. (Un live de piètre qualité est disponible grâce à l'un d'eux. Que je remercie ? Ca peut au moins donner une petite idée...)
Pour les autres, c'est-à-dire la grande majorité, ce concert fut épique, grandiose, enivrant jusqu'à la transe. Un de ces moments rares, que dis-je, exceptionnels, où le temps lui-même n'a plus aucune essence. A l'avant de la fosse, chacun dans son rythme propre, les corps ondulent comme mus par la même Force fondamentale. Comme me le ferait remarquer un parfait inconnu, trentenaire en nage, juste après le concert, il y a au moins un groupe sur cette Terre qui peut faire vivre aux gens de notre génération les grands moments que nous n'avons pas pu connaitre avec des Led Zeppelin ou des Pink Floyd.
The Mars Volta : pour ceux qui sont trop pauvres pour acheter leur LSD.
Après une petite centaine de minutes de "Noctourniquet" développé et étoffé à la sauce psychédélique, The Mars Volta offre aux fans deux dernières chansons plus fidèles aux versions albums, "The Widow" extraite de "Frances the Mute" et "Goliath" de l'album maudit, jouées avec toujours la même fougue, et un retour du public incroyablement énergique et positif, sautillant et pogotant avec une sorte de joie générale rarement ressentie dans un concert. Après ces cent dix minutes, nous sommes remerciés pour tout ce que nous avons pu ressentir durant le concert, pour nos rires et nos larmes, et le groupe s'en va, noble. Pas de rappel, sans surprise. La lumière revient, éclairant un parterre d'hallucinés qui sort de la salle envahi par une sorte de joyeuse stupeur.
Ca donne envie de se réécouter l'album jusqu'à ce que mort s'en suive. ("Dyslexicon".)
Setlist approximative :
La quasi-intégralité de "Noctourniquet" (avec la reprise/jam de"Broken English" en bonus)
The Widow
Goliath
La setlist donnée par Setlist.fm est peut-être incorrecte. Difficile d'en juger...
PS : J'en connais qui risquent de dire "Quoi, c'est tout ?" Oui, c'est tout. Je n'ai pas parlé de la salle, à savoir Le Bikini de Toulouse (à Ramonville, pour être plus exact), qui est sans doute une des meilleures salles de concert françaises tous critères confondus : emplacement, accueil (sauf ce vieux con de barman de la salle qui a décidé que non, il ne voulait pas me servir, ni même me regarder), tarifs, confort, acoustique. Et je n'ai pas parlé de la première partie, Le Butcherettes, qui a bien plu à certains et certaines, mais qui m'a paru terriblement creuse, version renouvelée avec maladresse de la grande ère du rock psychédélique, menée par une frontwoman aux gestuelles exagérées, qui tentait de faire du Doors sans jamais y arriver, chanté un peu faux par moments. Oui, Omar Rodriguez-Lopez a produit leur premier album et y a joué de la basse, mais ça ne rend pas le groupe bon à mes oreilles.
Par contre, il faut que je remercie Claire, Dorine et Julien pour l'accueil et le coup de main pour la tracklist, et que je fasse aussi des gros clins d'œil à Victor, Pouhiou et les Battle Of Britain Memorial, tous croisés sur place.
4 commentaires:
Oui, concert énorme et pour une fois, Cédric ne tirait pas la gueule (vu il y a quelques années à l'olympia où l'ambiance était assez glaciale). Je n'ai pas aimé le dernier album, globalement, mais en live ça reste exceptionnel. Je serai juste moins dur sur le butcherettes, que j'ai découvert et apprécié, a part quand elle est venu à 1 metre de moi pour pisser et s'assoir dans son urine. Bonne soirée.
Pisser et s'asseoir dans son urine ?
Wouoh.
On a raté le meilleur, apparemment !
Pour ma part, je n'ai pas du tout accroché, et quand bien même, cela aurait paru rétrospectivement insignifiant après les 111 minutes de The Mars Volta, je crois.
Concert excellent
salle excellente
première partie excellente aussi qui m'a fait pensé pour ma part aux Yeah Yeah Yeahs et à Karen O!!
Mais les gouts, les couleurs... on vibre beaucoup avec certains, un peu moins avec d'autres...
En tout cas, article excellent aussi !!!
merde, avec un pote, on s'est juré de croire que c'était un verre de bière renversé maladroitement au mauvais endroit et au mauvais moment ...
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