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mardi 12 avril 2011

Carnival in Coal


Encore un groupe décédé, mais pour une fois, on va pouvoir rire un peu. C'est bien beau d'explorer les contrées de la mélancolie, de l'émotion brute, de l'illumination post-mystique, du glauque bizarre (pas de liens hypertexte, à vous de trouver à quelles chroniques précédentes je me réfère), il faut savoir déconner aussi un peu.

Carnival in Coal était un groupe picard qui, durant plus de dix ans d'activité, nous a régalé de quatre albums aussi drôles que bien composés. Le premier, "Vivalavida", sorti en 1999, parie sur une toute nouvelle approche de la musique (et là, je cite une vieille interview d'Arno Strobl, un des deux membres fondateurs de CiC) : "mélanger du bruit et de la merde". C'est donc un hybride étrange de black-metal et de disco, métissé d'influences variées (un peu de fanfare sur "Entrez Le Carnaval", de la musique latino sur "Yeah, Oystaz", un peu de poum-tchak de fêtes foraines sur "Turn Everything Upside Down Twice"), et apparemment inspiré par une grande culture pornographique extrême qui fait que les titres de pas mal de tracks seraient dignes d'un album de porno-grind : "Urine Facewash", "She-Male Whoregasm" ou "XXX Dog Petting" sont des titres de chansons qui auraient eu leur place dans un album de Sublime Cadaveric Decomposition, non ? Au niveau compo, on en est cependant relativement loin ; CiC aime le black-metal et les bouses des années '80 et '90, et mélange le tout dans la bonne humeur.

 "Yeah, Oystaz" : mon premier tapage de barre musical, des années avant Ultra Vomit.

La même année, "French Cancan" s'amuse à violer des musiques de tous horizons, transformant "Bark at the Moon" d'Ozzy Osbourne en un étrange hybride black-metal/électro/pop, faisant de la chanson-titre du film Flashdance "Maniac" une excursion black mélodique de fanfare, adaptant "Fucking Hostile" de Pantera dans une version d'ascenseur redoutable... Allez, je laisse quand même deux/trois surprises.

"Fall From Grace"... Oui, l'originale est de Morbid Angel.

Encouragé par des critiques globalement très bonnes, Carnival in Coal remet le couvert en 2001 avec l'album "Fear Not", qui contourne quelque peu le côté bläärk old-school du premier album, enrichissant avec subtilité ses délires incongrus ("Yes! We Have No Bananas", "Cadillac", "Don't Be Happy, Worry", "Dahhhh"), se permettant même une petite incursion légèrement maladroite mais néanmoins bienvenue dans une sorte d'industriel SM ("Gang Bang") ainsi que deux passages plus sérieux, très réussis pour leur part : une reprise de "1308.JP.08" -- dont l'originale figure sur l'album "The Cube" de S.U.P -- et une sombre ode malsaine pour clotûrer l'album ("Fear/Fear Not"). Le tout est fait très honnêtement, et nous donne envie de bouger et de rire tout en appréciant la composition et les délires musicaux.

La toute mignonne "Cadillac". Enfin, mignonne...

Après une disparition de presque quatre ans, le duo sort son chef-d'oeuvre, hélas destiné à ne jamais avoir de successeur : "Collection Prestige" est une petite perle. La composition est affinée, avec une façon de rendre les délires cohérents qui ferait presque penser à du Mike Patton ("Fuckable", "Cartilage Holocaust", "Ohlala") ; et contrairement à des groupes comme Ultra Vomit, qui fait beaucoup appel à la pop-culture, ou Gronibard, dont l'humour est basé sur les textes chantés ou samplés, CiC parvient à faire passer un humour énorme dans la musique elle-même. Je pense notamment au délire incroyable de la fin de "Fuckable", à la parodie de black-metal qui conclut "Satanic Disaster", et au solo de guitare désopilant de "The Lady and the Dormant Sponge"...

 ...que voici. Ecoutez-la bien jusqu'à la fin.

Chanson qui enchaîne directement sur "Delivery Day", la chanson à l'ambiance la plus incroyable de toute la carrière du groupe, sorte de laïus anti-société de consommation qui, comment dire ? Qui vise juste. Pas la peine de comprendre les paroles pour avoir des frissons... Mais la simple phrase du pré-refrain ("We are glad to inform you that what you see is your life") ajoute à ce sentiment de perdition et de coma cérébral qui émane de cette superbe track.

On a même droit à des bruits de respirateur artificiel. La grande classe. (*frissonne*)

Tout l'album jongle délicieusement avec les styles, sombrant dans la disco la plus impitoyable (et qui contraste à merveille avec les paroles, puisqu'il s'agit de la chanson "Cartilage Holocaust"), et encore une fois s'amusant à finir l'album en le plombant, avec plus de brio encore que la fois précédente : les ténèbres horripilantes de "D.O.A. (Drunk Once Again)" et le néo-classique expérimental strident de "Promenade" ferment l'opus sur une note très étrange.

Sur cet album incroyable, Carnival in Coal devient une formation complète, commence à faire des lives (ce fut un plaisir de danser la bourrée avec eux au Hellfest 2006), puis... tout s'arrête, comme ça avait commencé. Rentrez chez vous, y a rien à voir.




R.I.P.

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