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dimanche 10 avril 2011

Venetian Snares


Une vingtaine d'albums, sensiblement autant d'EP et de minis. Non, je ne parle pas d'un bluesman noir décédé de la Motown, ni des deux premières années de carrière de Frank Zappa, mais d'Aaron Funk, alias Venetian Snares, trente-six ans cette année, un artiste qui a révolutionné un secteur entier de la musique électronique en recréant le breakbeat et le breakcore (et dont j'avais promis que je parlerais un jour).

Partons des bases : qu'est-ce que le breakbeat ? Très simple à comprendre : écoutez la rythmique qui introduit cette chanson.
"Radical Digital" par Hellfish, le grand pote de bringue (et de musique qui vrille le cerveau) de DJ Producer.

Voilà. Ca, c'est le rythme breakbeat usuel, que vous pouvez entendre partout, dans tous les sens, plus ou moins bidouillé, plus ou moins "électronisé", mais fondamentalement toujours le même. Inutile de dire que, sans un son affiné au millidécibel près et une véritable inspiration (qu'elle soit tribale, mélodique, industrielle ou autre), la mayonnaise ne prend pas ; elle reste flasque et fade, totalement inutile, vouée à croupir sous le soleil ou à dégueuler dans un évier à côté des assiettes sales. Bon, je suppose que cette métaphore n'est en fin de compte pas très adaptée.

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Rajoutez-y des sonorités plus industrielles ou hardcore, et vous obtenez le breakcore. Tout simplement. La grande nouveauté apportée par Venetian Snares tient à son utilisation de rythmiques inhabituelles, généralement (très souvent) du 5/4 et du 7/4, occasionnellement des signatures encore plus barbares comme du 13/8, très loin donc du 4/4 qui caractérise souvent (trop souvent ?) le breakbeat. Par cet aspect, on peut rapprocher certaines oeuvres du style dénommé IDM (Intelligent Dance Music), une electronica déstructurée de laquelle Autechre est une sorte de groupe ambassadeur.

 Une vidéo amateur étonnante sur "Vidaa", de l'album "Huge Chrome Cylinder Box Unfolding".

Ceci étant, résumer Venetian Snares à "du breakbeat avec des rythmiques tordues" serait à la limite de l'insulte, car la richesse musicale d'Aaron Funk est quasiment incomparable. Ses premières oeuvres , à la fin des années 1990, sont des rouleaux-compresseurs empruntant à l'industriel et au hardcore ; on peut par exemple pointer du doigt le très bon "printf("shiver in eternal darkness/n");" sorti en 2000. Au fil des albums, il s'inspirera également des sonorités chiptune (notamment dans l'album "Hospitality" et dans "Cavalcade of Glee and Dadaist Happy Hardcore Pom-Poms", tous deux sortis en 2006), de la techno (l'EP "Horsey Noises" sorti en 2009), du reggae, du jazz...

"Cabbage", sur "Hospitality".

Mais l'inspiration grâce à laquelle il a obtenu le plus de succès (ce succès reste relativement restreint, en ce qu'il ne joue malgré tout pas de l'easy-listening, soyons honnête) est sans nul doute son inspiration classique. En 2005 sort l'album "Rossz Csillag Alatt Született" (expression hongroise signifiant "né sous une mauvaise étoile"), un mélange de breakbeat et d'instruments classiques, dont une quantité importante de violon et violoncelle, quelques chants féminins, et j'en passe -- et cet album est tout simplement un chef-d'oeuvre. Pourtant, il est difficile de vraiment placer un album au-dessus des autres dans la discographie de Venetian Snares : chaque album, chaque EP, quasiment chaque titre, mériterait son propre éloge ; mais la qualité de la fusion qui est ici effectuée entre ces deux styles a priori antithétiques, et la beauté entêtante et doucement mélancolique des mélodies et orchestrations, fait de "Rossz Csillag..." une oeuvre majeure, inspirée, saisissante, dans laquelle la violence et la rugosité des rythmiques se dissout dans une beauté cristalline et douceâtre.

Le clip emblématique de Venetian Snares, qui présente une version écourtée (et avec une petite blagounette au milieu) de "Szamar Madar", tirée de "Rossz Csillag...".

Je donnerais à n'importe quel amateur de musique, quel que soit son panel musical d'origine, le conseil d'écouter cet album au moins une fois. Pour la suite, si le premier contact est convenablement établi, et selon les goûts, il y a beaucoup de chemins possibles dans la découverte de l'immense discographie de ce petit génie canadien. "My Downfall" (2008) suit la voie ouverte par "Rossz Csillag...", en utilisant par contre du matériel mélodique composé pour l'occasion, là où son prédécesseur samplait des oeuvres existantes, et avec un rendu plus mélancolique et plus riche encore ; d'autres albums ouvrent des voies parallèles, comme le déjà cité "Hospitality" et ses sons 8-bit, le relativement mid-tempo, jazzy et groovy "Chocolate Wheelchair" (ai-je précisé qu'il est excellentissime ?), le très IDM "Huge Chrome Cylinder Box Unfolding", le sombre et orienté hardcore "Meathole" (qui recèle néanmoins de belles envolées ambiantes)...

 Vidéo amateur sur "Swindon", tirée de "Calvalcade of Glee and Dadaist Happy Hardcore Pom Poms".

Tout est bon à prendre chez Venetian Snares, mais on ne peut pas forcément tout aimer. Ce qui n'enlève rien à son génie, et au fait qu'il est l'inventeur à part entière d'une nouvelle branche de la musique électronique, qu'il contribue encore à enrichir avec un talent indéniable (ses deux derniers albums en date, "Filth" et "My So-Called Life", sont deux bombes, et un nouvel EP nommé "Cubist Reggae" est sorti en début d'année).

"Too Young", sur "The Chocolate Wheelchair Album". Finalement une sorte d'OVNI dans la carrière d'Aaron Funk.





Et pour les amateurs, une étonnante et impressionnante cover de "Gentleman", tirée de l'album "Detrimentalist" (2008), à la batterie :

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour cette chronique que l'on attendait depuis longtemps, Venetian Snare est un des génies qui restera toujours dans mes playlists.

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Modern Zeuhl a dit…

De rien, il était temps que j'en parle, mon cher Anonyme :)

Agibi a dit…

T'en as plein des anonymes qui te causent! Perso j'explore ton site et tes critiques et c'est marrant comme on a des points communs...pas tous vu que j'ai une base electro et hip hop et peu metal atmo mais bon. Venetian snares c'est un tueur, découvert avec Detrimentalist en 2008 et vu en 2009 à Dour, orgie de breakbeats...

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