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mercredi 11 mai 2011

Live review : Orchester (MdU, Rouen, 09/05/11)

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Le concert précédent que j'ai vu à la Maison de l'Université de Rouen était celui de Bleepshit, dans la petite cafétéria vitrée de l'entrée (joliment surnommée le Bocal). Le volume et les basses manquaient cruellement dans ce concert qui avait plutôt été conçu comme une séance de découverte de la musique chiptune adressée à de curieux geeks réfrénés. Aussi, la première bonne surprise de cette soirée a été de voir cette fois-ci une scène à proprement parler, installée à l'extérieur, avec du matériel sonore visiblement plus puissant (sans aucun doute le matériel d'Orchester).

La seconde bonne surprise a été que, cette fois-ci, le jeune groupe de quelque-part-entre-Rouen-et-Paris passait en acoustique.
L'été dernier aux Terrasses du Jeudi, en concert gratuit également mais dans le centre-ville, le sextet était resté dans sa configuration classique, et nous avait délivré un set intense et énergique ("incisif", pour reprendre les termes de la chanteuse du groupe) dans un style quelque part entre le rock psychédélique de Page & Plant et le trip-hop de Massive Attack, avec des pointes de colère faisant penser à Rage Against the Machine (comme pour nous prouver ses influences, Orchester nous avait gratifié d'une reprise de chacun de ces trois groupes) et d'autres plus orientées hip-hop. Ce mélange étonnant est renforcé par la formation particulière du groupe, dans laquelle un violon et un violoncelle renforcent et modèrent tour à tour les guitares électriques. L'énergie dégagée par le groupe, et particulièrement par sa charismatique frontwoman, fut plus que communicative : Orchester en live s'est imposé comme une claque incroyable, un petit condensé de ressentis qui nous est jeté dessus avec amour par des musiciens et compositeurs très talentueux. Les compositions sont variées, mouvantes, originales, imparables.

Un exemple de ce que donne Orchester en concert... ("La Colère".)

Les versions studio que l'on peut écouter sur le premier album "Before Meeting Together Again" permettent d'encore réaliser la très grande qualité de composition et d'arrangement, mais étouffe partiellement cette énergie tribale qui rend un concert d'Orchester si fort, si brut et si beau. Une chanson comme "La Colère" gagne tellement à être interprétée sur scène...

Autant dire que la transcription de l'univers si particulier du groupe en acoustique semblait ne pas être un pari gagné d'avance... Mais c'était sous-estimer leur talent. Dès les premières notes, Orchester te dérobe et te dévore, sans chance de rémission -- même sans guitares électriques. Les adaptations des compositions dans des versions acoustiques, moins incisives mais pas plus tendres, sont étonnamment réussies, parvenant à rendre cette sorte de sentimentalisme bipolaire qui caractérise le groupe, nous baladant du spleen à l'amour à la furie sans jamais nous laisser le temps de nous ennuyer ou de nous accoutumer, mais en conservant toujours une cohérence qui tient de la magie noire. Le duo (masculin) de guitares sèches fait un écho parfait à celui, mixte, de la violoniste et du violoncelliste (qui, ironiquement, joue sur un violoncelle électrique... l'unplugged sera pour une autre fois), les parties de percussions sont parfaitement équilibrées, saisissantes mais jamais rentre-dedans, et le chant est probablement l'ingrédient principal du ciment qui parvient à faire un tout indivisible de ce maelström d'influences et d'inspirations. Et quel chant, mon Dieu ! Faustine est tout simplement une frontwoman incroyable, dont la voix mute en permanence, quelque part entre le diamant pur et l'éclat de verre tranchant, dans une alchimie presque mystique.

Oui, c'est à toi que je parle. (Crédit photo : ArTno.)

Ô Faustine ! Tu m'as tellement ému, ma mie, que ma verve échappe à mon contrôle, répandant son Amour pour toi par spasmes de désir langoureux, en lieu et place de cette prose délicieusement fluide qui est d'ordinaire ma marque de fabrique, mon nec plus ultra, ma saveur gourmande (sans sucres ajoutés), mon "plus produit", aujourd'hui réduite à néant par la divine blessure de ta voix douce-amère, cette voix de gorge profonde et chaleureuse, loin du glouglou pathétique de toutes ces exubérantes protofemelles aux éructations autotunées et vocodées ! Que ne me suis-je laissé emporter, dompter, cajoler, remuer par ces passages maîtrisés à merveille du vibrato le plus doux au hurlement le plus primal, et que n'ai-je senti mon estomac se serrer et se dénouer au rythme de tes propres émotions ! J'aurais voulu te serrer contre moi jusqu'à ce que tu me supplies de te laisser respirer et, gêné comme un enfant qui a fait une bêtise, j'aurais, écarlate, regardé mes chaussures et tripoté nerveusement mes doigts dans l'attente suppliante de ton pardon hémostatique. Dans la vibration cristalline et acérée de la musique, tes chants profonds m'atteignaient directement, pénétraient mon âme et caressaient mon esprit. Le "let me kill your pain" de "Not Dead Yet" et le "let me take you there" de "Kashmir" (superbement reprise de Led Zeppelin, ou plus probablement de la version Page & Plant) ont soudain pris une autre dimension, divinement extatique, et au cas où tu ne l'aurais pas lu dans mes yeux, ma chère Faustine, ma réponse est "avec plaisir".

Take me there. Please.

Soyons clair, il n'y a rien de sexuel ou de bassement opportuniste dans cette déclaration. L'Amour dont je parle ici, bande de lecteurs-voyeurs lubriques et minables (car il faut tomber bien bas dans le voyeurisme pour aller, comme vous le faites ici, jusqu'à mater un exhibitionniste), est un coup de foudre de l'âme, et bien que je prenne un plaisir immense à détourner mes compliments à la chanteuse en une prose romancée autant que romantique (sauf le sous-entendu du début, un peu plus gluant), c'est le groupe entier qui m'a transporté et subjugué. Faustine sans Orchester hurlerait dans le vide, et Orchester sans Faustine manquerait de cette forme particulière d'intensité douceâtre, de sauvagerie bienveillante. L'alchimie s'opère à la perfection entre ces six jeunes gens qui visiblement s'entendent à merveille, autant humainement que musicalement, et aux talents indéniables.

Pas de jaloux : je les aime tous, en fait. (Crédit photo : ArTno.)

En un mot comme en cent, Orchester en concert, c'est une marée incessante d'émotions belles et bouleversantes, la promesse d'un enivrement à la limite de la jouissance physique, et une probabilité non nulle de tomber profondément amoureux d'une des deux superbes jeunes femmes qui y officient (ou d'un des quatre superbes jeunes hommes, mais personnellement, c'est pas tellement mon truc). On attend le deuxième album et les prochains lives avec une impatience non feinte.



Site officiel : http://orchester.fr/

Prochaines dates : le 3 juin à Val-de-Reuil, le 4 à Cany-Barville, et le 13 au Nouveau Casino de Paris. Le deuxième album "The Craftsmen" est attendu lui aussi pour début juin.


Encore merci à ArTno pour les photos. Jetez un oeil au reste de l'album :
http://www.flickr.com/photos/artno/sets/72157625043496081

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