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mercredi 24 novembre 2010

Ihsahn


Aaaaah, Emperor... Je me rappelle les longues soirées passées à disséquer chacun de leurs albums, avec un éclairage à la bougie (pour l'ambiance). En cette époque où je ne jurais que par le black-metal, ben oui, nous avons tous été des adolescents, après tout, mon oreille parvenait à trouver en de rares groupes des ambiances particulières, quelque part entre le rejet hystérique de toute organisation religieuse et le côté épique propre au black symphonique made in Norway. Emperor était de ceux-là, aux côtés de Dimmu Borgir et de Satyricon. Avec un peu de recul, je dois admettre que les derniers albums d'Emperor et de Satyricon sont d'une immense qualité, de par l'apport progressif sinon "progressiste" dont ils témoignent, tandis que Dimmu Borgir semble plus sombrer dans la caricature de lui-même : étant parvenu aux limites du style qu'il s'impose avec "Death Cult Armageddon", un album de black symphonique si poussé et si complet qu'il a bloqué toutes les issues, le groupe n'a réussi, à mon sens, avec son dernier album qu'à recycler maladroitement des miettes de leurs efforts précédents.

La question se pose : qu'est-ce que l'avenir du black-metal ?

Une musique née d'un désir de cracher sa bile sur les religions organisées en faisant saturer des Marshall pourris dans des caves humides semble avoir un avenir plus que limité dans une industrie péri-musicale qui lisse une trop grande partie de ce qu'elle touche (à ce sujet, si vous ne vous en doutiez pas encore, je hais Ross Robinson du plus profond de mon être). Certains ont réussi à se replonger dans cette ambiance glauque avec un son plus moderne : je me dois d'évoquer The Amenta, qui a décidé de recréer cette haine primitive du black-metal originel dans un son métissé de death technique et de sonorités industrielles, ainsi que Blut Aus Nord, dont la superbe dissonance des riffs s'est ensuite métissée avec de l'électro ambiant et poisseux -- ce qui leur a valu quasiment la même estime que The Kovenant lorsqu'ils ont intégré de l'électro/EBM dans leur black sympho des familles : quelques admirateurs, et beaucoup d'amateurs de la première heure cruellement déçus. Il va de soi que chacun des trois groupes que je viens de citer mériterait un article ici, autant dire que ça finira bien par arriver.

A côté de ces "extrémistes de la dernière heure", d'autres ont choisi la libération musicale. J'ai évoqué Satyricon, qui a intégré avec succès une bonne louche de rock'n'roll sombrement groovy dans ses compositions -- encore un groupe qui vaudrait largement une Zeuhlerie Moderne, je le note soigneusement dans mon dernier neurone de mémoire.

And now for something completely different. "A Grave Inverted", sur "After".

Et puis il y a Ihsahn, ancien leader et poly-instrumentiste d'Emperor, qui a passé quelque temps "en famille" avec le groupe d'avantgarde metal Peccatum, puis qui a sorti son premier album solo "The Adversary" en 2006, année de la dissolution dudit Peccatum. Cet album, ainsi que son successeur "angL", ne méritent pas pour moi de véritables éloges. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : ce sont de très bons albums, largement dignes du très grand compositeur, interprète et chanteur qu'est Ihsahn (de son vrai nom Vagrad Veggaard Vegard Sevree oh merde, laissez tomber). L'excellent mélange de fougue épique et d'introspection progressive qui caractérise ces deux albums en font dans une certaine mesure les héritiers directs du dernier album d'Emperor, "Prometheus : The Discipline of Fire and Demise", lui-même ce qu'on pourrait appeler communément "un putain de grand album". On remarquera, vite fait, en passant, le guest de Mikael Akerfeldt (chanteur, guitariste, compositeur et leader d'Opeth) sur la chanson "Unhealer" de l'album "angL".

La fameuse "Unhealer". Ca a une certaine gueule, non ?

Cependant, même si ces deux albums sont à la limite de l'excellence, il est a posteriori difficile de les adorer pleinement lorsque l'on a jeté une oreille à "After", le troisième album d'Ihsahn, sorti au début de cette année. Comment vous donner envie de vous jeter sur cet album sans trop paraphraser, et donc sans trop allonger cette déjà très longue chronique ? En quelques mots : Ihsahn est une des preuves les plus éloquentes que le metal progressif a un avenir autre que les éternelles resucées pontifiantes "à la Dream Theater". La puissance émotionnelle des riffs, l'éloquence inimitable de la voix de ce ponte du metal, l'atmosphère inédite, emplie de mélancolie et de lumière, la vibration cristalline d'un saxophone tour à tour posé et débridé (le même saxophoniste, d'ailleurs, que dans l'excellent projet black-jazz Shining)... Cet album est un hymne à la créativité, à la libération des genres, et, à ce jour, une des plus époustouflantes oppositions musicales au formatage et à la prudence.

"Undercurrent", sur "After". Des riffs surpuissants, un saxophone à s'en répandre les tripes par terre. Un frisson long de dix minutes.

Une prise de risque qui n'est pas acclamée par tout le monde, j'en conviens... comme toute prise de risque. Sauf qu'Ihsahn l'assume totalement et la pousse là où il veut la mener, avec un tel talent qu'on a envie de le suivre sur ces terres fertiles, dès les premières notes du premier morceau, et jusqu'à la dernière plainte du saxo sur la dernière piste.



Le Myspace du monsieur (à ce jour, seule "The Barren Lands" du dernier album y est à l'écoute) : http://www.myspace.com/ihsahnmusic

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Et puis il y a Ihsahn" ... ça résume tout !

MthS a dit…

C'est l'idée : le mec qui fait pas pareil que les autres, mais en mieux.

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