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jeudi 25 novembre 2010

Ebony Lake


Avantgarde metal... J'ai déjà utilisé ce terme hier dans ma chronique concernant Ihsahn. En outre, Ephel Duath et, dans une certaine mesure, My Own Private Alaska, sont à ranger dans cette catégorie. Qu'est-ce que l'avantgarde metal ? Il s'agit en fait d'une sorte de terme générique regroupant grosso modo tout ce qui refuse de se cantonner à un genre particulier, et donc tous les groupes ou artistes qui décident de débrider leur créativité : usage d'arrangements et d'harmonies inhabituels, structures rythmiques étranges, instruments "rares" dans le style metal, hybridation de styles extérieurs (musique contemporaine, free-jazz, et j'en passe)...

Pour différencier l'avantgarde du metal progressif, Wikipedia me donne cette excellente métaphore, écrite par un chroniqueur du webzine Metal Storm, que je reprends au mot près :

Prenons deux architectes. Pour les besoins de cette discussion, leurs noms seront John Petrucci [NdR : guitariste et compositeur de l'emblématique groupe de metal progressif Dream Theater], qui représentera le metal progressif et Mike Patton [NdR : expérimentateur fou du metal (entre autres), membre de Faith No More, Fantomas, Tomahawk, et collaborateur d'une vingtaine de projets musicaux divers, de Bjork à The Dillinger Escape Plan] pour l'avant-garde metal. Ils essaient tous deux de créer un grand manoir en usant de leur connaissance première. Pettruci prend son traité d'harmonie et en suit chaque directive à la lettre. Mike Patton, en revanche, balance le traité d'harmonie à la poubelle, et laisse sa seule imagination le guider pour la construction. À la fin de la journée, les deux manoirs sont finis. John Petrucci a construit un manoir massif et élaboré avec des corridors elliptiques, mais dans un style architectural plus traditionnel. Le Manoir de Patton en revanche ressemble plus à quelque chose d'un livre du Dr. Seuss. Il y a des portes avec des formes excentriques, des angles arrondis, des décorations de toute forme, et une grande collection d'autres détails bizarres.

Je ne rentrerai pas dans le débat "quels ont été les premiers avantgarde metalleux ?". Le nom de Celtic Frost revient beaucoup dans la discussion, mais pour ma part je serais trop tenté de remonter jusqu'à des Frank Zappa et des Magma, histoire de montrer aux metalleux de tout poil (dru, le poil) que, non, ils n'ont pas tout inventé non plus.

Bien entendu, avec autant de groupes et d'influences différentes regroupées sous une même étiquette, chacun trouvera à boire et à manger. Pour citer objectivement l'extraordinaire exemple qu'est le mien, j'aime autant Carnival in Coal (groupe français de nawak-metal dont je parlerai ici un de ces quatre), Sleepytime Gorilla Museum (rock/metal dadaïste) ou Unexpect (grandiloquence déstructurée from Caribou-Land) que je ne m'endors sur Ulver ou Arcturus. Ce n'est qu'une question de goût, après tout...

Aussi suis-je convaincu d'avance qu'Ebony Lake est un groupe qui plaira à peu de monde. Ce groupe a été remarqué par la scène avantgarde à la sortie de "On the Eve of the Grimly Inventive" en 1999, leur seul album à ce jour (une reformation semble en cours), un album que j'ai découvert totalement par hasard à l'époque de sa sortie, et qui, malgré les onze ans que j'ai passés depuis à affiner mes goûts musicaux, reste dans ma catégorie des disques rares... Ayant été élevé avec (entre autres) Frank Zappa, j'ai été profondément décontenancé lorsque j'ai retrouvé ses influences, mêlées à un black-metal mélodique aux ambiances étrangement mélancoliques, dans une musique qui semble sortie des cauchemars schizoïdes de Danny Elfman après la lecture d'un livre d'Edgar Allan Poe -- ou des rêves érotiques d'un Jeffrey Dahmer sous LSD, au choix.

"The Wanderings of Ophelia through the Untamed Countryside", un grand moment d'avantgarde.

Véritable maelstrom musical et poétique, "On the Eve of the Grimly Inventive" ne se laisse pas faire : à peine a-t'on pris quelques secondes pour s'arrêter dans un riff, dans une mélodie, dans une sonorité, qu'il/elle se métamorphose, s'accélère, se déstructure ou disparait. Accélérations et ralentissements, rythmiques alambiquées, légères dissonances viennent pimenter une richesse mélodique soutenue par un grand piano et une abondance de voix, de chuchotements, de pleurs, de cris. On est ballotté, surpris, violenté, bercé, astiqué, et devant une telle abondance de stimuli on ne peut avoir que deux réactions : fuir ou en redemander. (Ce genre de phrases va devenir sous peu le leitmotiv de MZ si je ne me contrôle pas.) Pour ma part, éberlué par le sombre romantisme qui émane de cet album, j'en redemande depuis onze ans.

"A Voice in the Piano", du romantisme du XVIII° siècle dans des cris du début du XXI°.

Il m'est plus dur de juger des deux nouveaux titres qu'Ebony Lake laisse en écoute sur son Myspace, issus de la nouvelle reformation du projet par les deux fondateurs Ophelius et Mass, et ce pour deux raisons : la première est un manque de recul évident, la seconde est une bien moins bonne qualité sonore (ce ne sont que des démos). Néanmoins, l'inspiration y semble plus sombre, plus brute, comme si les deux zoziaux résistants avaient fait une cure de Mayhem ces dernières années. On retrouve des ambiances plus sombres, avec cette espèce de romantisme en demi-teinte qui servait déjà de fond au son d'Ebony Lake il y a onze ans, et les deux titres laissent présager une toujours aussi grande qualité musicale -- si le duo ne sombre pas dans le piège "copie conforme de Mayhem" (certains passages me rappellent un peu trop l'album "Ordo ad Chao"). Affaire à suivre...



L'album "On the Eve of the Grimly Inventive" entier (mais dans le désordre) sur Youteub : http://www.youtube.com/view_play_list?p=60AF3FB0B7E64136

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