Un side-project plus intéressant et excitant que le groupe originel, ça arrive en fin de compte relativement souvent. Prenez Kristoffer Gildenlöw, bassiste de Pain on Salvation : il n'a jamais contribué à quelque chose d'aussi abouti et grandiose que l'album "Grave Human Genuine" de Dark Suns, qui aura sans doute très bientôt sa place sur ce site, dans la catégorie "album en or". (Ceci dit, Kristoffer n'est au final que leur bassiste sur album, et non un membre permanent -- encore moins un compositeur. Ca fait toujours de la pub au groupe, pas vrai ?) Là où ça commence à devenir moins crédible, c'est quand le "projet parallèle" consiste juste en la même personne, sous un autre nom. A part Venetian Snares (avec son projet Last Step... ainsi que ses deux mille huit cents autres pseudonymes), personne à ma connaissance n'a réussi à mieux s'en sortir que Radium dans ce registre.
Oui, The Nihilist, c'est en fait Radium, sous un autre nom. Le monsieur a annoncé qu'il souhaitait faire un projet plus expérimental, et nous a livré, pour fêter ça, "=0", un LP d'une heure qui est, effectivement, bien plus bizarre que tout ce qu'il a pu créer sous le nom Radium. C'est vrai, sérieusement : récupérer toujours les mêmes beats, les mettre en place toujours de la même façon, en samplant par-dessus du Daft Punk et du Britney Spears, ça a donné "Masterpiss", un album de hardcore certes efficace, certes apprécié par les puristes du monde entier, mais surtout horriblement convenu et ennuyeux, alors que ses opus précédents étaient des petites bombes (encore maintenant, il m'est impossible de rester assis au son de "F Game Revolution", entre autres -- et ce "Fais péter !"… proprement irrésistible).
Le sublime enchaînement "Noise Band" / "Punish" sur "In Extremist". Sur un dance-floor, ça rendrait mieux que du David Guetta, non ?
The Nihilist ouvre un univers musical très différent, dans lequel on reconnait de loin la "patte Radium" (le beat de "Crash+loop", par exemple, est identifiable entre mille), mais alors, de très loin, car "=0" présente une orientation musicale radicalement différente, une sorte de jeu avec le minimalisme (un kick, deux échos étranges, et "Cut+verb" est née ; encore mieux : un kick, des bruits, et la bien nommée "Kik+noise" est prête à nous en mettre plein la gueule ; et que dire de "Ride", sorte d'hommage low-hardcore muette au "Autobahn" de Kraftwerk, le côté néo-atmosphérique en plus ?) et le mélange de genres (les parties de chant post-Mansoniennes et l'instru finale western/horreur de "Not Me" ; la métamorphose de la plus célèbre partie d'orgue du monde en une apocalypse hardcore/gabber qu'est "Same Old Song" ; l'étrange cassure ambiante et un peu glauque de la track "Residual" ; l'électro un peu EBM de "Who Cares Of Me ?"), dans lequel on sentirait presque, de temps a autre, une sorte de nostalgie de la simplicité de Micropoint, le groupe qui a pour ainsi dire créé le frenchcore (que j'ai évoqué dans ma chronique du groupe français Fast Forward), et dont Radium était une des deux moitiés (le côté "droit au but" de "No Free Style" est plutôt éloquent a mon sens).
"Cut+verb", première vraie track de l'album. Ceux qui s'attendaient à du Radium bis ont dû être terriblement déçus. Moi, non.
Ce n'est pas vraiment du hardcore (même "Survive", qui part comme un gros hymne Radiumesque bien sale, se joue ensuite de nous à coups de sons étranges et de cymbales aux rythmiques hachées). Ce n'est pas vraiment de l'expérimental au sens le plus barré du terme. En fait, on ne sait pas trop ce que c'est. C'est un petit OMNI, un truc différent, inédit, occasionnellement maladroit, mais dans l'ensemble super-bien foutu, novateur, et du coup foncièrement excitant. Comme si, quelques années avant "Masterpiss", Radium avait voulu s'excuser d'avance de faire quelque chose d'aussi fade.
Tu crois que ça va être sale ? Ben non : ça va être sale ET totalement bizarre. ("Survive", of course.)
En fin de compte, le seul semblant de temps mort de cet album doit être "For Nothing", la chanson qui ressemble le plus à du Radium. Arrivé à la onzième piste de l'album, on s'attendrait à ce qu'elle aille plus loin, qu'elle délire plus, qu'elle nous surprenne. Elle est presque trop efficace, trop rentre-dedans. Drôle de paradoxe… pour un drôle d'album, un truc décalé, bizarrement gaulé, et étrangement sexy.
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