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samedi 10 décembre 2011

Vildhjarta


Le combo suédois Vildhjarta, "un parmi d'autres" dans la vague prog-metal/djent qui nous submerge ces derniers temps, aura mis six ans à définir le style qu'il voulait avoir. Quelques démos ont beaucoup circulé sur le Web, les compteurs de lecture MySpace (ah, la bonne époque où le lecteur MySpace marchait, nom de Dieu de bordel de merde !) ont tranquillement atteint des nombres à plusieurs chiffres sur les versions instrumentales de "Shiver", "Traces" ou "Deceit", qui ne laissaient présager que le meilleur, et leur cri de guerre "Thall !" s'est répandu comme une traînée de poudre. Autant dire que ce premier album, distribué par le respectable Century Media, était attendu de pied ferme.



Dès le début de "Måsstaden" (sorti le 28 novembre 2011), après une courte introduction ambiante, Vildhjarta nous plonge dans son univers sombre et inquiétant avec la bien nommée "Shadow", qui reflète déjà cette rencontre étrange, et qui se prolongera durant cinquante minutes, de mélodies étrangement sereines (la fin de "All These Feelings", la superbe "The Lone Deranger" qui conclut l'album), de palm-mutes bas et profonds (toutes les chansons...), de hurlements vibrants, de dissonances presque black (qui reviennent en force dans le passage le plus désaxé de "Benblast") et de couinements angoissés (la fin magistrale de "Eternal Golden Monk").

"Benblast". Je suppose que "blast" veut dire la même chose qu'en anglais... Non ?

Cette étrange harmonie des contraires annoncée par les quatre minutes de ce titre donne déjà un aperçu significatif de l'album, de sa grande qualité, et de son implacable originalité : jouant sur les dysrythmies et les syncopes en tout genre, autant que sur l'incroyable gamme vocale de chacun des deux chanteurs -- qui donne lieu à des duos de screams parfois proches du grunt, puis à des doubles chants hypnotiques péri-Texturiens ("Traces") maîtrisés avec la même insolente facilité -- Vildhjarta confirme ce mélange d'inventivité et de technicité irréprochable dont il fait preuve, en mettant le tout au service d'une musique totalement nouvelle, aussi glauque que du Meshuggah mais pas avec les mêmes recettes.

Ce qui est clair, c'est que les origines suédoises du groupe (comme, oui, exactement, comme les déjà cités Meshuggah) ne trompent pas : la froideur du son, ses ambiances claires-obscures qui nous font des clins d'œil, cette surprenante douceur occasionnelle, cette mélodicité en demi-teinte, tout dans cet album nous fait sentir ce pays. Cet album est plein de légendes, d'esprits cachés, de sérénité autant que de colère, de sensibilité et d'envie de tout renverser, finalement à l'image de sa surprenante pochette : l'écoute des cinquante-et-une minutes sans temps mort de "Måsstaden" est la traversée d'une forêt nordique, une terre totalement inconnue, effrayante et magique, plus puissante que nous n'aurions pu le concevoir avant de nous lancer à l'aventure, peuplée d'une faune surréaliste ; c'est le passage de l'autre côté du miroir.


Le côté plus mélodique de Vildhjarta ("All these Feelings", à écouter impérativement jusqu'au bout).

Les sonorités de cet album sont radicalement nouvelles, au sein d'un style "djent" qui semblait pourtant condamné à se mordre la queue -- certains de ses représentants les plus renommés, comme Chimp Spanner, se sont d'ailleurs laissés prendre à ce piège du péché par manque de renouveau. C'est sans doute pour cela, et probablement par humour, voire carrément par sarcasme, que le groupe préfère définir son style comme du "thall". Bonne démarche, d'ailleurs ; tout d'abord parce que le fameux son dénommé "djent", ce palm-mute supra-grave et pesant, ressemble à tout sauf à l'onomatopée "djent" -- mais bon, ça sonnait mieux que "blom" ; ensuite, parce que ce trait d'humour est devenu une sorte de micro-meme au sein de la communauté djent, qui emploie maintenant "thall" à peu de choses près pour dire "ce truc est surpuissant" ; enfin, parce que ce n'est pas prétentieux de la part de Vildhjarta que de prétendre avoir défini un nouveau style qui n'appartient qu'à lui.


Le clip officiel de "Dagger", tout à fait dans l'esprit dicté par la pochette de l'album. Et, ah oui : un morceau putain d'énorme, qui nous a envoyé la première claque deux semaines avant la sortie de l'album.

Je ne dis pas cela pour le plaisir d'être dithyrambique (d'ailleurs, je n'aurais pas pu dire ce genre de choses pour, par exemple, Volumes -- ni même pour Aliases, c'est vous dire !), mais parce que c'est, en toute honnêteté, ce que j'en pense. Vildhjarta est une des meilleures choses qui soient jamais arrivées à un style djent qui prenait, dès le départ, par sa définition même, le risque d'être "mort-né". Créatif, irrévérencieux, mais surtout terriblement inspiré et puissamment vibrant, "Måsstaden" a instantanément accédé au statut d'album immortel en proposant à une branche entière de la musique de nouveaux standards. Autant dire qu'on ne peut que croiser les doigts pour que le groupe ait la plus longue et la plus prolifique des vies... et qu'il soit reconnu à sa juste valeur, c'est-à-dire encore plus qu'il ne l'est d'ores et déjà.





1 commentaire:

Raph a dit…

des nombres à plusieurs chiffres ^^

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