Om Mani

La nouvelle vague du metal français nous a donné quelques groupes totalement prodigieux. Je pense notamment à Scarve, dont les premiers albums avaient remué en choeur les tripes de bon nombre d'amateurs de death technique, de progressif et de death mélodique à la scandinave, puis dont l'album "The Undercurrent", sorti en 2007, avait déstabilisé quelques amateurs par des choix artistiques inhabituels, une densité sonore prenante et un mastering très "hors norme" ; effectivement, "The Undercurrent" est un album difficile d'accès, mais extraordinaire. On en reparlera sans doute.

Oui, on en reparlera sans aucun doute. ("Imperceptible Armageddon", sur "The Undercurrent".)

Je pense également à la Klonosphere : le dernier Klone, "Black Days", plus posé que ses prédécesseurs, est d'une richesse émotionnelle sans précédent (oh mon Dieu, cette reprise de "Army of Me" de Björk est meilleure que l'originale !) ; le dernier Hacride, "Lazarus", est un opus inventif, prenant, émouvant et redoutable ; le deuxième Mistaken Element, "Mind Over Matter", est... arf, je pense que vous avez compris... Cette tendance à l'exploration musicale, à la réconciliation de la rage et de l'apaisement, et à une sorte de spiritualisation de la musique, sans doute ouverte par des groupes comme Gojira, est une grande force du metal hexagonal et, étonnamment, crée une scène au rendu sans pareil.

Et voici pourquoi il faudra sans doute dire aussi un petit mot sur Hacride... ("A World of Lies", sur "Lazarus".)

Dans ce contexte, il est dur de faire valoir un groupe comme Om Mani sans risquer de donner l'impression qu'ils font "pareil que d'autres". Non, Om Mani, combo lillois né en 2005, ne fait pas "pareil que d'autres". Après une démo quatre titres qui leur a permis de se faire remarquer et d'ouvrir pour des groupes comme The Ocean, les déjà-cités-dans-cet-article Hacride, Psykup, Manimal, et je dois en oublier, le premier album "Apology" sort courant 2009, disponible en téléchargement gratuit sur le site du groupe (...et dont on attend impatiemment un successeur).

"The Call", deuxième piste de l'album : une tuerie.

Cet album ose. Qu'est-ce qu'il ose ? Difficile question. Il ose la complexité rythmique ("Burnout", "Bad Seed") et la rage primale (le début de "Eternal Sleep") autant que la douceur ("Apology") et les plans vocaux sortis de nulle part ("Trapped Outside", "Ajna") ; il ose le spleen, la colère et le doute ("The Call"), associés à une quête plus profonde, presque mystique (la très texturienne "The Child and the Beast", "No Prayer..."), une recherche du sens fondamental qui va de pair avec une existence à fleur de peau ("...Only Feelings").

Il fallait s'y attendre, en même temps, avec un nom pareil... ("Om Mani Padme Hum", le mantra de la grande compassion.)

Il y a une puissance évocatrice qui fait penser à Tool, parfois même à Neurosis (je me dois ici de reciter la splendide "No Prayer..." et son discours déchirant), une richesse de construction presque meshugghienne, des ambiances riches et variées, et surtout une façon de proposer quelque chose de cohérent mais de très diversifié, comme se recollant à l'expérience vitale elle-même. Les ressentis et les humeurs se succèdent, mais toujours avec le même point de vue, images chaotiques projetées sur le sempiternel écran inamovible de la conscience. On a envie de rire et de pleurer, de hurler et de méditer, le long des cinquante-cinq minutes de cet album profond et introspectif qui demande des dizaines d'écoutes pour être compris, affiné, perçu, reçu.

"Here comes the impact ! Wouaaaw ! Awesome !" Et mon cœur qui se serre invariablement, à chaque écoute. ("No Prayer...")

Site officiel (album complet en téléchargement gratuit) : http://www.ommaniband.com/

MySpace : http://www.myspace.com/ommaniband