Découvert lors d'une soirée postcore au Bateau Ivre (la salle rouennaise qui nous avait aussi offert le duo General Lee/The Birds End), Le Dead Projet était pourtant bien mal parti pour attirer mon attention. Une écoute sur leur Myspace de l'époque m'avait laissé dubitatif : son plutôt brouillon, des compos et une voix qui ne sortaient vraiment pas de l'ordinaire... Mais bon, à l'occasion du concert, je me suis dit que ça vaudrait le coup d'écouter tous les groupes quand même. Grand bien m'en a pris.
Quand Le Dead Projet monte sur scène, première surprise : pas de chanteur attitré. J'apprendrai par la suite, de la bouche du bassiste Morne, que l'ancien chanteur les a quittés récemment et que le groupe a choisi d'attribuer les vocals aux trois cordistes. Ce fut à mon sens une excellente décision : la voix de Morne, proche notamment de celle d'un Josh Graham, se marie parfaitement bien avec celles de Flow et Ludo, plus typées hardcore/postcore ; cet ensemble vocal, combiné à une musique efficace et puissante, donne un résultat original, prenant, invasif.
Fait d'une manière assez intelligente pour que rien ne dérange ni ne choque.
Aussi, quelque temps plus tard, lorsque j'apprends via Fessebouc que leur nouvel album "Keep on Living" (2011) est en écoute sur Bandcamp, je me jette naturellement dessus ; et là, c'est la deuxième claque. Le set live du groupe, aussi bon avait-il été, n'était vraiment qu'une mise en bouche. Dès le début de "Rotten Words", l'ambiance est posée : une mélodie prenante, accompagnée par une rythmique puissante et sombre, nous plonge directement dans l'univers du quatuor parisien. Et quand le chant de Morne débarque, notre âme en prend un grand coup, frissons assurés. Il y a de la hargne et de la volonté dans ce son : en effet, contrairement à la majorité des sons post qui invitent à l'introspection voire à la catatonie (qui a dit Battle Of Mice ?), Le Dead Projet donnerait plutôt envie d'attaquer une thérapie de cri primal... un feeling que je n'avais pas ressenti depuis le début d'un certain petit groupe français qui nous avait scotché avec un premier album nommé "Terra Incognita".
"L'ambiance est posée."
Tandis que je me prends à comparer du postcore avec du métal, j'en vois déjà qui me regardent d'un sale œil (à ceux-là, je dirais volontiers : écoutez l'intro de "The Beast" et vous comprendrez). Ce que je signifie par là, c'est que Le Dead Projet a eu la bonne idée de sortir des sentiers battus. Le style post a été grandement exploité depuis le temps relativement lointain où des Neurosis, Amenra, Isis et autres ont posé les bases, et les groupes clones sont déjà légion. Plus éloigné de ces stéréotypes, à la manière d'un Poison The Well, Le Dead Projet a choisi de mixer metal, hardcore, rock, screamo et une foule d'autres influences, et ce mix est fait d'une manière assez intelligente pour que rien ne dérange ni ne choque, jusqu'aux doubles chants hXc très old-school de "In And Out".
Vous comprendrez.
En outre, là où la plupart des groupes de post alternent de longs passages puissants et lourds avec de longs passages posés, Le Dead Projet propose des cassures multiples mais parfaitement imbriquées, ne laissant pas notre cerveau se reposer un instant, ou alors quelque secondes à peine, le temps de nous graver dans le crâne une magnifique ligne de chant qui ne nous quittera plus pendant des semaines. Pas le temps de s'ennuyer, tout au long de cet album surprenant, dont la richesse fait que de multiples écoutes ne l'épuiseront pas. De plus, le travail d'enregistrement et de mixage de Sylvain Biguet (qui a notamment travaillé avec Comity et Trepalium) et le mastering d'Alan Douches (Converge, Mastodon...) rendent le son de l'album propre mais jamais lisse, parvenant à conserver une énergie live très primale qui rend pourtant hommage à un sens mélodique appuyé et mis au service d'ambiances fortes.
...ben quoi ? Vous êtes encore là ? C'est ici que ça se passe : http://ledeadprojet.free.fr/
Chronique par Jakovasor
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