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lundi 25 avril 2011

Borgore


"Borgore a ruiné le dubstep." Non, ce n'est pas une citation de je ne sais quel pigiste mondain, mais la traduction directe du titre du premier LP de cet artiste israëlien (oh pardon, en fait c'est un "full EP"... de 48 minutes), qui s'amuse à donner lui-même du grain à moudre aux détracteurs du "gorestep", le style musical dont il est le créateur autoproclamé. Pourquoi parler de sa musique en de tels termes ? Sans doute parce que ça le fait bien marrer, tout d'abord. Mais aussi parce que c'est le genre de critiques qu'on pourrait réellement lui adresser.

I iz reviewer & I iz not happy about ur musik.

Prendre n'importe quelle boucle de base, rythmique et/ou mélodique, en faire un massacre plein de wobbles abusifs et crades, et le balancer très fort, sans vergogne : c'est ce que certains précurseurs ont fait avec le plus grand des entrains, tout simplement parce que le wobble était une nouveauté aguichante, sévèrement sexy, totalement irrésistible, et qu'à ses tout débuts, il pouvait suffire d'en mettre plein sur une rythmique très basique pour faire quelque chose de révolutionnaire. Ces temps sont déjà très loin... Et comme je l'ai déjà dit dans ma chronique dédiée à Brainpain, qui se référait elle-même à une autre chronique dédiée à l'excellent duo Matta :
Mon avis général sur la dubstep n'a, hélas, pas bougé d'un pouce non plus : c'est un style qui a désespérément besoin d'air frais, de renouveau, de fusion. Les bidouilleurs de wobble -- ces grosses basses vrombissantes qu'on aime tant -- sont légion, tous plus stéréotypés les uns que les autres, et sous le flot incessant (devrais-je dire l'inondation ?) de nouveaux artistes dont le niveau technique de machiniste contrebalance le manque d'ouverture musicale, il est de plus en plus difficile de tirer les pépites cachées ça et là -- les musiciens inspirés et ambitieux.
Tout ça pour me retrouver à poster ce... truc... ("Birthday and the Black November", de quoi faire cracher vos subwoofers.)

Je prends donc le risque de me décrédibiliser totalement aujourd'hui en parlant d'un artiste qui use et abuse du wobble, sans avoir l'air d'apporter grand-chose de neuf au style, et qui ne s'appelle pas Excision. Mais aussi bizarre que ça paraisse, Borgore réussit un véritable tour de force : celui de créer une musique prenante, excitante, horripilante, en utilisant des sonorités dont tout le monde dit qu'elles sont déjà dépassées. Comment fait-il pour y arriver ? Bonne question. Sans doute en poussant le wobble à son paroxysme (des tracks comme "Sex Instructions Dub" ou "The Bitter Orchestra Girl", aux sons crades et aux rythmiques hachées, méritent vraiment leur étiquette de gorestep), en y ajoutant quelques délires sans prétention (les textes "surprenants" de "Nympho" ou "Love", à l'humour pipi-caca-chatte-poil totalement assumé, les sonorités 8-bit de "Money" et "Sunsets"), en les poussant quelquefois jusqu'à un délire musical incroyablement plaisant (le mélange 8-bit/chant féminin/batterie metal/électro sale de "Broken Rulz" -- qu'on ne me dise pas, après avoir écouté celle-là, que Borgore "ruine" le genre...), et en prenant du plaisir à faire le tout, comme un sale gosse qui s'amuse à aller partout où ses parents le lui interdisent...

"I love my mom, my dad and my dildo." ("Nympho", of course.)

Mais il y a plus que ce simple côté "sale gosse". De la même façon que, dans le metal, les délires pipi-caca ou les errances pop-culture d'Ultra Vomit donnent de la couleur à un véritable talent de composition et de jeu, l'humour de gamin attardé de Borgore s'ajoute à une grande qualité de producer. Le son est rythmé, sale mais calculé au millimètre, certaines pistes vont au-delà de la simple dubstep dégueu (la belle "Thoughts", hybride étrange de Vitalic et Venetian Snares sous crystal meth), et le jeune israëlien parvient à faire plus que simplement rendre hommage à ses "parents" dubstep : il recrée leur son, dans un mouvement presque révolutionnaire car à l'opposé de la vague de métissage actuelle, et le sublime en une orgie de pourriture orgasmique. Oui, rien que ça.

Si ça s'appelle "ruiner un genre", je pense que The Algorithm a ruiné le djent. ("Broken Rulz".)



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