Le réveil est un peu plus dur que la veille. L'excitation du tout début a laissé la place à une sorte de contentement plus tranquille, l'euphorie est un peu retombée mais a été remplacée par un ravissement sans égal. Une impression d'être dans une Utopie, un lieu qui n'existe pas : le camping n'est qu'un gigantesque cœur vibrant, dopé à la bière, à la Redbull et à la MDMA, qui pue la sueur et la simple joie de vivre. On se croise, on se fait des grimaces, on raconte des conneries avec ses voisins de file lors de la longue attente pour aller remplir quelques bouteilles d'eau potable, on écoute celles des voisins... Et tout cela paraît tellement normal. Tout le festival a été comme ça. Cent cinquante mille personnes sur une autre planète, un endroit où toutes les excentricités sont autorisées mais où, paradoxalement, le respect de l'autre règne en maître. Le premier jour, on s'en rend compte, les yeux écarquillés, la bouche bée ; le deuxième, on sait qu'on y est, et bien que déjà épuisé, on se sent juste bien.
Même les tentes sont accueillantes.
Le petit déjeuner bière-sandwiches n'est pas désagréable, je commence même à me faire au goût de la Grafenwalder, et je rallonge ce "breakfast of champions" vu que les premiers groupes ne m'intéressent pas trop. Je m'étais dit que, comme ça, pour mourir moins idiot, j'irais peut-être jeter un coup d'œil aux Hurlements D'Léo (un groupe qui tient son nom d'une chanson des VRP ne peut pas être fondamentalement mauvais), et puis, au final, quinze heures vingt, c'était encore un peu tôt. La journée de concerts commence du coup sur 50 Lions, du metal/hardcore plutôt classique, qui patate comme il faut... non, en fait, qui patate trop. La balance a été faite bizarrement : le son sature de basses. Cela tourne presque au ridicule lors des intros de chansons : celles où la basse commence seule sont très fortes, celles où la guitare entame en solo sont presque inaudibles. Je rampe en-dehors de la Cannibal Stage, les oreilles en sang.
Dommage : ce n'est pas dégueulasse, sur album. ("Locrian", sur l'album "Where Life Expires", 2009.)
En attendant l'enchaînement sur la Petite Maison Dans La Prairie (il s'agit de la scène voisine de la Cannibal Stage), un petit détour nous permet de voir une partie du set de Jamaïca, qui, comme son nom ne l'indique pas, mixe l'électro-rock moderne et le rock, plus touffu, des eighties. Le trio tient la scène avec une conviction très plaisante, tout en restant relativement sobre, tant il est vrai que leur musique n'est pas forcément très adaptée au slam. Les circle pits attendront ; pour l'instant, on se détend...
D'ailleurs, désolé de prendre de l'avance sur la journée, mais sur les trois claques que je m'y prendrai, deux sont du côté des styles en "post".
Le clip (rigolo) de "I Think I Like U 2".
D'ailleurs, désolé de prendre de l'avance sur la journée, mais sur les trois claques que je m'y prendrai, deux sont du côté des styles en "post".
La première est justement le groupe que nous attendions dans la Petite Maison : il s'agit d'un combo français nommé Syd Matters (ma culture floydienne et mes restes de dyslexie m'ont fait vouloir les appeler Syd Barrett plus d'une fois).
Sorte de post-rock aux influences folk et psychédéliques, ce groupe parvient par je ne sais quel miracle à distiller avec une puissance émotionnelle incroyable une superbe mélancolie. Je bloque devant la scène, fixe le frontman, un barbu tout timide dont le chant est des plus touchants... et, en plein milieu de la troisième chanson, je me rends compte que je suis en train de pleurer.
Oui, je l'avoue. Votre humble serviteur Zeuhlien a été comme touché par la grâce, tout le long de la petite heure qu'a duré ce concert superbe, naviguant quelque part entre un spleen très "post" et une beauté naïve et première à la CocoRosie. Une des découvertes, sinon la découverte, la plus marquante de tout le festival.
Sorte de post-rock aux influences folk et psychédéliques, ce groupe parvient par je ne sais quel miracle à distiller avec une puissance émotionnelle incroyable une superbe mélancolie. Je bloque devant la scène, fixe le frontman, un barbu tout timide dont le chant est des plus touchants... et, en plein milieu de la troisième chanson, je me rends compte que je suis en train de pleurer.
Oui, je l'avoue. Votre humble serviteur Zeuhlien a été comme touché par la grâce, tout le long de la petite heure qu'a duré ce concert superbe, naviguant quelque part entre un spleen très "post" et une beauté naïve et première à la CocoRosie. Une des découvertes, sinon la découverte, la plus marquante de tout le festival.
Difficile d'être motivé pour enchaîner avec quoi que ce soit, après une claque de cette ampleur. The Ghost Inside, sur la Cannibal Stage, envoie un gros metalcore qui tâche ; la composition n'est pas transcendente mais le son et l'ambiance sont excellents. Encore bloqué sur la superbe mélancolie de Syd Matters, je n'accroche qu'à moitié. Je reste en retrait et bois une Jupiler bien fraîche. C'est l'heure de la pause ; je décide de rater This Will Destroy You pour en "profiter". A dix-neuf heures vingt, le concert de Skindred commence, histoire de me remettre en forme avant le concert suivant, que j'attends de pied ferme... Mélange improbable heavy/ragga/électro, mené par un gros Noir aux ongles longs et à la tenue de scène aussi classieuse qu'improbable, Skindred est tout simplement irrésistible. Les rythmes te collent à la peau, l'ambiance est festive et délurée : un pur régal.
Régal que je raccourcis néanmoins pour ne pas rater un des deux groupes que j'attends particulièrement aujourd'hui : Stupeflip. Moins de trois mois après leur passage à Rouen, j'y retourne. Le set est sensiblement le même (intervention de Pop-Hip comprise), avec moins de temps morts, plus de chaleur, une meilleure mise en place, une plus grande assurance.
En quelques mois à peine, Stup a appris à aimer la scène, semblerait-il (et en plus, comme le dit Pop-Hip en citant "Les Monstres" : "Déjà tout petit, j'aimais bien les Belges"). Je ressors encore plus ravi que la fois précédente.
Encore une petite pause, malgré un choix plutôt ravissant de groupes et artistes : Eskmo met tellement le feu à la Balzaal, tellement qu'il devient même difficile de circuler à proximité du chapiteau ; Madball envoie "comme du Madball" sous la Cannibal Stage, du gros hardcore old-school irrésistible, chaleureux et bien énervé ; mais comme je suis en plein entre-deux (en redescente de Stupeflip et en attente de Neurosis, les jambes déjà en miette et la tête bousillée), je me repose un peu devant Mogwai. Que dire ? Du postrock pas déplaisant, carré, mignon... Sans plus. Sans doute ennuyeux à hautes doses, tout du moins en concert. Et puis, merde, quoi, je ne suis pas là pour les écouter, juste pour me reposer un peu. (Les amateurs peuvent jeter un œil à la setlist du concert.)
Pas longtemps, d'ailleurs : je m'assieds, adossé aux barrières de sécurité, devant la Petite Maison, et entame une discussion avec un fan de Magma (c'est le gros logo sur le T-shirt qui m'a fait me dire que, probablement, j'avais un Zeuhlien face à moi).
Et puis, Neurosis commence. Oh putain de nom de Dieu. Complètement possédés, les cinq musiciens nous délivrent un set envahissant, qui évolue du postcore ambiant de "A Sun That Never Sets" vers un noise presque insoutenable, sur lequel deux des trois joueurs de cordes vont même lâcher leurs instruments pour aller alourdir les parties de batterie en tapant comme des sourds sur des toms basse. Les projections surréalistes, en noir et blanc, derrière eux, ajoutent encore à la prestance du groupe, qui parvient même à immerger certains néophytes et à conquérir même les plus réticents des spectateurs. Une énorme claque, qui n'est pourtant probablement qu'un avant-goût du concert à Paris, huit jours plus tard...
Régal que je raccourcis néanmoins pour ne pas rater un des deux groupes que j'attends particulièrement aujourd'hui : Stupeflip. Moins de trois mois après leur passage à Rouen, j'y retourne. Le set est sensiblement le même (intervention de Pop-Hip comprise), avec moins de temps morts, plus de chaleur, une meilleure mise en place, une plus grande assurance.
Crédits : Dour Officiel.
En quelques mois à peine, Stup a appris à aimer la scène, semblerait-il (et en plus, comme le dit Pop-Hip en citant "Les Monstres" : "Déjà tout petit, j'aimais bien les Belges"). Je ressors encore plus ravi que la fois précédente.
Crédits : Dour Officiel.
Encore une petite pause, malgré un choix plutôt ravissant de groupes et artistes : Eskmo met tellement le feu à la Balzaal, tellement qu'il devient même difficile de circuler à proximité du chapiteau ; Madball envoie "comme du Madball" sous la Cannibal Stage, du gros hardcore old-school irrésistible, chaleureux et bien énervé ; mais comme je suis en plein entre-deux (en redescente de Stupeflip et en attente de Neurosis, les jambes déjà en miette et la tête bousillée), je me repose un peu devant Mogwai. Que dire ? Du postrock pas déplaisant, carré, mignon... Sans plus. Sans doute ennuyeux à hautes doses, tout du moins en concert. Et puis, merde, quoi, je ne suis pas là pour les écouter, juste pour me reposer un peu. (Les amateurs peuvent jeter un œil à la setlist du concert.)
Je préfère celui-ci, en fin de compte.
Pas longtemps, d'ailleurs : je m'assieds, adossé aux barrières de sécurité, devant la Petite Maison, et entame une discussion avec un fan de Magma (c'est le gros logo sur le T-shirt qui m'a fait me dire que, probablement, j'avais un Zeuhlien face à moi).
Crédits photo : égarés...
Et puis, Neurosis commence. Oh putain de nom de Dieu. Complètement possédés, les cinq musiciens nous délivrent un set envahissant, qui évolue du postcore ambiant de "A Sun That Never Sets" vers un noise presque insoutenable, sur lequel deux des trois joueurs de cordes vont même lâcher leurs instruments pour aller alourdir les parties de batterie en tapant comme des sourds sur des toms basse. Les projections surréalistes, en noir et blanc, derrière eux, ajoutent encore à la prestance du groupe, qui parvient même à immerger certains néophytes et à conquérir même les plus réticents des spectateurs. Une énorme claque, qui n'est pourtant probablement qu'un avant-goût du concert à Paris, huit jours plus tard...
Setlist :
A Sun That Never Sets
End of the Harvest
Given to the Rising
Water is Not Enough
(nouvelle chanson ?)
(nouvelle chanson ?)
Belief
Through Silver in Blood
Through Silver in Blood
Il est vingt-trois heures, un large sourire béat est collé à mon visage, et il est temps de se reposer et de se restaurer un peu avant de passer à la partie électronique de la soirée, qui va sévèrement décoller les tympans. A vingt-trois heures quarante, le duo corse Les Petits Pilous commencent cinquante minutes de live. Leur techno est monstrueusement efficace, "démago sans faire exprès", et le public du ClubCircuit Marquee répond au quart de tour. J'aurai même eu droit à "Wake Up !", ma petite préférée. Un set électro parfait, tout simplement.
...et voici pourquoi.
Ravi, j'accours vers la Cannibal Stage, qui a décidé de nous en coller plein les dents ce soir. A minuit et demie, c'est Radium qui investit la scène. Une heure de gros beats bien énervés, rapides, sans concessions, sans aucune finesse (mais ce n'est pas ce qu'on lui demande), bref : Radium fidèle à lui-même, qui envoie du poney, avec beaucoup trop de "Masterpiss" à mon goût -- tant cet album, son dernier en date, m'a déçu par son manque d'inspiration et de renouvellement -- mais assez de grosses basses dévastatrices pour qu'on n'y résiste pas.
"Renegade Returns". Y a-t'on eu droit, ou pas ? Bonne question. Mais j'aime bien la visu.
C'est Enduser, DJ repéré entre autres par les labels Hymen Records (Imminent, Converter, Venetian Snares...) et Ad Noiseam (Matta, Broken Note, Igorrr -- je vous en ai déjà beaucoup parlé, de celui-ci, pas vrai ?), qui prend la suite sans interruption, ramenant le style musical à une sorte de "breakcore épileptique ambiant". Wait... What ? Je vous jure que je n'ai trouvé aucun meilleur terme pour décrire sa musique, un breakcore rapide et désaxé que le Venetian Snares de "Cavalcade of Glee and Dadaist Happy Hardcore Pom Poms" ne renierait pas, mais portant des ambiances à la limite du psychédélisme. Quarante-cinq minutes de pur bonheur, et une des plus énormes découvertes de ce festival.
Brainfuck.
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Après cette heure et demie d'extase bourrine, difficile de tenir encore debout, d'autant que les successeurs semblent jouer dans le plus basique. X&Trick, commençant son set par un hardcore/breakcore plutôt bien gaulé, assombrit au fur et à mesure son style pour sombrer dans le hardcore "à la hollandaise". Je file avant que cela ne devienne carrément du gabber très moche, et me pose un peu devant la Balzaal où Rusko envoie carré, énergique, mais sans vraiment révolutionner le genre dubstep. On frôle même ce côté commercial et dancefloor que je n'ai jamais apprécié dans le style. Fourbu, je me dirige vers ma tente, regrettant le manque d'Excision et de Broken Note -- mais j'aurai bien l'occasion de les voir un jour ou l'autre, nom de nom.
Jour 1 : Bienvenue Ailleurs
Jour 3 : Tenir la Distance
Jour 4 : Apothéose
Jour N+1 : Ending Credits
Toutes les photos de cet article ont été prises par Marion, sauf mention contraire.
Retrouvez une impressionnante collection de photos du Dour sur leur Flickr officiel.
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